Côte à côte pendant les Rencontres de la librairie, Francis Lang (Hachette Livre) et Bruno Caillet (Gallimard).- Photo OLIVIER DION

Vivement interpellés lors des Rencontres de Lyon, un certain nombre d'éditeurs et de diffuseurs s'apprêtent à annoncer des mesures en faveur de la librairie. Après L'Ecole des loisirs, Gallimard annonce aujourd'hui une nouvelle politique de remise qui sera appliquée par les représentants à partir de janvier 2012. Pour les ouvrages auto-diffusés (à savoir Gallimard Littérature, Gallimard Jeunesse, Gallimard Loisirs et Découvertes/Gallimard), la maison instaure une remise minimale de 35 % pour les librairies réalisant plus de 50 % de leur chiffre d'affaires global avec les livres. "Cette mesure concerne principalement le deuxième niveau, car c'est là qu'il y a les plus grandes difficultés », explique Bruno Caillet, directeur commercial de Gallimard. Parallèlement, l'éditeur, qui propose aux libraires des "marchés » permettant, sur la base d'objectifs quantitatifs et qualitatifs annuels, de mieux rémunérer le travail sur les collections de fond (poche, guides, "Pléiade"), entend augmenter leur nombre grâce à de nouveaux critères qualitatifs. "Un libraire jouant à la fois la carte des opérations promotionnelles et des marchés peut augmenter de 1 à 2 points sa remise sur les collections de fond », estime Bruno Caillet.

« JE NE TIRE PAS UN TRAIT »

Le processus est plus rapide pour ces maisons qui maîtrisent édition et diffusion. Mais chez les diffuseurs stricto sensu, les avancées, plus lentes, se dessinent aussi. Car dans la foulée des Rencontres, les éditeurs n'ont pas hésité à aiguillonner leur diffuseur. A Lyon déjà, Laurent Beccaria, à la tête des Arènes, avait lancé un pavé dans la mare en appelant à l'instauration d'une remise unique pour tous. "Aujourd'hui, il n'en est plus question car personne n'en veut, reconnaît-il. Mais je ne tire pas un trait dessus. » Bien que moins spectaculaires, d'autres dispositions devraient en revanche rapidement voir le jour.

Ainsi, Volumen travaille avec une vingtaine d'éditeurs littéraires à la mise en place d'un partenariat permettant de valoriser le qualitatif. Il s'agirait de proposer à des librairies ciblées 1 à 2 points de remises supplémentaires cofinancés par l'éditeur et le diffuseur.

Au CDE, les conditions commerciales sont aussi en train d'être révisées mais rien n'est encore défini, selon Mathias Echenay, son directeur général, qui reconnaît pourtant devoir arrêter des mesures d'ici à la mi-décembre. Certaines maisons diffusées par la structure, dont Les Arènes et Gallmeister, font pression et se disent prêtes à prendre en charge la moitié de l'augmentation des remises qui seraient accordées aux libraires. Au CDE, l'idée est étudiée avec prudence. "Notre mission est de gérer un ensemble d'éditeurs qui ont des moyens financiers différents, explique Mathias Echenay. Nous avons vocation à mutualiser, pas à diviser. Je réfléchis donc aussi à d'autres pistes. En particulier à une segmentation du deuxième niveau afin de créer une catégorie de librairies très professionnelles pour leur proposer des remises qualitatives particulières et une façon de travailler adaptée. »

LES REPRÉSENTANTS

Au sein de la structure de diffusion Flammarion, "tous les volets des CGV sont en train d'être examinés mais rien n'a été décidé », explique Pascale Buet. Consciente que c'est sur les petites et moyennes librairies que le gros des efforts doit être fait, elle veut communiquer "sur un dispositif complet et parfaitement lisible ». Il faut ainsi faire le bilan du système de soutien à la création, lancé pour expérimentation avec les offices de mai, qui pourrait inspirer certaines des nouvelles mesures. Mis en place pour les éditeurs diffusés dont les parutions n'ont pas accès à la presse à leur sortie, celui-ci consiste à octroyer aux libraires qui gardent les ouvrages durant six mois au moins des échéances de paiement à 180 jours. "Nous allons voir si en augmentant les échéances on diminue les retours et on aide les titres à trouver leur public », explique Pascale Buet.

Largement centrées sur le qualitatif, la plupart de ces mesures s'appuieront sur le travail des représentants. "Le représentant est au coeur du dispositif, confirme Bruno Caillet. Ce sera à lui de proposer les mesures appropriées à chaque libraire. » Une belle revalorisation de son rôle, alors qu'il n'y a pas si longtemps on évoquait sa disparition ! Pour leur permettre de faire face aux nouveaux enjeux, certains diffuseurs envisagent de leur proposer des formations tandis que d'autres, à commencer par Actes Sud, pensent à en augmenter le nombre. "C'est au quotidien qu'il faut aider la librairie, explique Jean-Paul Capitani, directeur du développement d'Actes Sud. C'est pour cela que la maison a créé sa propre diffusion en 1991 et accorde aujourd'hui des remises moyennes de 40,8 % pour le premier niveau et 39 % pour le deuxième ».

Conscients que les libraires attendent aussi davantage d'informations économiques et statistiques, les diffuseurs s'apprêtent à lancer de nouveaux outils. Chez Flammarion, Pascale Buet annonce pour novembre un nouveau site Web qui mettra à la disposition des libraires leur chiffre d'affaires avec des éléments de comparaison sur leur zone de chalandise, "lorsque ceux-ci existent », précise-t-elle. Et d'ajouter que pour les libraires non visités, des informations détaillées sur les nouveautés seront disponibles sur le site. Chez Gallimard aussi, Bruno Caillet annonce qu'une information régulière sera donnée aux libraires, dès 2012, sur leur activité (allers, réassorts, retours). Par ailleurs, une newsletter mensuelle est en test chez Gallimard Jeunesse, pour permettre à des libraires de premier niveau de recevoir une sélection du programme de nouveautés assortie des bons de commandes. "L'objectif est d'optimiser à terme, en accord avec les libraires concernés, les visites des représentants en leur libérant du temps pour parler davantage du fonds », explique le directeur commercial.

De son côté, Hachette Livre reste, comme nous l'a confirmé son directeur commercial Francis Lang, sur la ligne des quatre mesures annoncées juste avant les Rencontres (voir page 13).

TRAVAILLER ENSEMBLE

Quoi qu'il en soit, au-delà des dispositifs envisagés, la prise de conscience de la fragilité de la librairie qu'a suscitée le rendez-vous de Lyon pourrait bien déboucher sur une vraie transformation de la relation entre les éditeurs, leurs diffuseurs et les libraires. Pour Laurent Beccaria, "les Rencontres de Lyon ont remis les éditeurs dans le jeu ». Et ces derniers sont désormais nombreux à déclarer vouloir aider les libraires. Pour Oliver Gallmeister, des éditions du même nom, "l'éditeur doit reprendre la main sur sa politique commerciale et dans le même temps renforcer ses liens directs avec les libraires ». Chez Zulma, Laure Leroy estime pour sa part qu'un pas important a déjà été franchi. "Pour la première fois, éditeurs et diffuseurs travaillent ensemble dans la transparence pour aider la librairie indépendante. Il est important que les diffuseurs sortent de l'opacité et que les mentalités changent pour que d'autres avancées aient lieu. »

15.04 2015

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