2 janvier > Roman France

Dans la Chine des Song et la ville de Mong, au Ve siècle avant notre ère, naquit Tchouang, fils de Chou, un haut fonctionnaire ripou qui va lui assurer, outre la matérielle, une éducation de lettré. Très tôt, le garçon remet en question les principes qu’on lui inculque, notamment ceux inspirés du grand Confucius. "Dubito ergo sum", pourrait être sa devise, mais en mandarin. Comme souvent les sages, sa vie va compter un grand nombre d’aventures, surtout dans un pays aussi divisé, morcelé, en perpétuelles guerres féodales que la Chine de ce temps-là, avant qu’il ne finisse par se retirer du monde, renoncer au pouvoir et aux richesses factices, pour se consacrer à la nature, à l’écriture, à la transmission, quasiment malgré lui, de sa philosophie à quelques disciples autoproclamés.

A 15 ans, Tchouang, pistonné par son père, entre comme scribe aux cuisines au service de Wu, duc de Song, lequel périra à la suite d’un complot. Le garçon doit s’exiler au T’si, à la cour du roi Min, où il développe ses qualités : une sagesse fondée sur la logique et un solide bon sens. Et un anti-confucianisme viscéral. De retour au Song en guerre, il devient superviseur des laques, épouse, à 30 ans, Chao-yun (Nuage du matin), de quinze ans sa cadette, puis, conseiller du duc Tcheng, il est envoyé comme ambassadeur au Ts’in. Il manque d’être assassiné, et s’en tire en disparaissant. Il commence alors à "faire le vide" autour de lui et la destinée l’y aide : sa femme meurt dans une épidémie et leurs deux fils sont confiés à ses parents. Il se rend compte que plus rien ne le relie à son ancienne vie. Il se fait errant, humble cordonnier fabriquant des sandales de paille dans un village qui finit par le chasser. Mais c’est là qu’il a rencontré Tse-lou, son premier disciple. Désormais, Tchouang va vivre au sein d’une petite communauté à qui il prêche la pauvreté, le renoncement, l’oisiveté, le culte de la nature et du vide - dont elle n’a pas horreur - et le rejet, surtout, de toute forme de pensée. Au début, ce Diogène chinois parle seulement, mais quand il voit son disciple préféré, Lin-lei, se mettre à prendre en notes son "enseignement", il décide d’écrire lui-même, tâche qui l’occupera jusqu’à sa mort. Sept essais, dont l’un, fameux, le Tchouang Tse.

L’histoire est vraie, et Tchouang Tcho l’un des sages chinois les plus singuliers, les plus "révolutionnaires", que l’on a parfois comparé à saint Paul. Avec érudition et malice, maître Rambaud, délaissant à la fois l’Occident et l’époque moderne, nous entraîne sur ses traces, dans un roman aussi jubilatoire que profond. J.-C. P.

28.11 2014

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