28 août > Philosophie France

"Assumer la responsabilité du monde." La formule d’Hannah Arendt est au cœur du nouveau livre de Michel Blay. Le philosophe et historien des sciences l’aborde par une série de questions. "Que souhaitons-nous pour notre vie ? Y a-t-il nécessité à innover du côté de la biologie de synthèse, des nanotechnologies, de l’exploitation du gaz de schiste ou du énième gadget électronique ?"

Pour comprendre pourquoi la fascination de l’innovation a changé notre rapport au monde, ce directeur de recherche au CNRS nous invite à reconsidérer l’idée de nature telle qu’elle s’est élaborée au XVIe siècle avec Copernic puis Galilée. Les penseurs et les savants défilent à la barre des témoins. Quelquefois, Michel Blay réserve à ses lecteurs quelques passages "techniques", comme on dit dans le langage des randonneurs, mais on est récompensé au bout du chemin.

La mathématisation du monde par Galilée et ses successeurs nous a entraînés à reconsidérer la nature sous l’angle de l’ingénieur. Cela explique en partie pourquoi nous avons abandonné notre existence et notre responsabilité pour la technologie et sa notion de rentabilité. Le monde devient peu à peu un concept. Il est circonscrit par des problèmes qui doivent aboutir à des solutions.

L’auteur de Dieu, la nature et l’homme : l’originalité de l’Occident (Armand Colin, 2013) explique comment nous avons fini par devenir irresponsables en bricolant une nature mécanique et géométrique où l’existence s’évanouit dans le calcul et les algorithmes. "Nous sommes entrés dans la virtualisation, dans l’accomplissement de l’idée de nature computationnelle, dans l’époque où l’existant en tant qu’existant est dissimulé par une multitude d’existants virtuels mimant et ruinant l’existence." Le corps est ainsi devenu un objet numérisable, et l’ADN le code-barres de cette nouvelle humanité augmentée.

Dans la lignée d’un Jacques Ellul, Michel Blay observe les ravages d’un monde qui s’épuise à produire. Pour lui, il est temps de lui redonner un sens, et aux êtres leur dignité.

Laurent Lemire

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