23 août > Premier roman France > Errol Henrot

Le combat planétaire en faveur des droits des animaux, de leur statut d’êtres capables de sentiments, et non plus de meubles, est en train de devenir l’une des grandes causes d’aujourd’hui. Il suscite à la fois, suite aux conditions scandaleuses dans certains abattoirs, des engagements raisonnés, expliqués dans des livres, mais aussi des actions d’extrémistes, d’ayatollahs de l’écologie. Plutôt qu’un ouvrage théorique ou un pamphlet de plus, Errol Henrot, professeur de lettres près d’Arras et végétarien militant, a choisi le roman, à la fois très proche de la réalité et contrebalancé par le merveilleux.

Tout commence dans une forêt du Nord, là où le jeune François, un taiseux asocial, qui se sent agressé par le monde, a l’habitude de se réfugier, quand il n’est pas en train de lire. Né dans une famille modeste, il passe son bac pro, mais se sent incapable, concernant sa vie, de décider quoi que ce soit. Il laisse donc son père Pierrot, avec qui les rapports ne sont pas simples, gouverner pour lui. "Tueur" à l’abattoir voisin, le père, partant à la retraite, pistonne son fils auprès du directeur ami, afin qu’il lui succède. En dépit, la première fois, de son dégoût, et d’un certain malaise, François exerce depuis dix ans sa fonction, qui s’apparente à celle du bourreau. Toute la journée, il égorge des vaches ferrandaises, sans états d’âme, mais sans cruauté. Son seul réconfort, c’est Robert, l’éleveur de cochons, un taiseux lui aussi, mais qui aime ses animaux sincèrement.

François rencontre Angelica, une maraîchère plus âgée et plus expérimentée que lui, qui l’aime "sans passion" mais lui fait rompre tous ses liens familiaux. Et il n’est lié avec personne de l’abattoir. Puis son père meurt, et en voyant son cadavre le fils ne peut s’empêcher de le comparer avec les carcasses des animaux qui font son quotidien. Ce qui nous vaut des pages terribles et hallucinées, parmi les plus fortes du livre. Le dégoût de son métier le reprend. Et tout va basculer lorsqu’il assiste à une scène atroce de cruauté, deux de ses collègues torturant une vache blessée avant de la massacrer. François se met alors à écrire, et prend la tangente, à sa manière.

Servi par une écriture très classique, d’une froideur clinique, Les liens du sang est un roman tout à fait remarquable, qui plonge au plus profond de ses personnages, et invite le lecteur à un examen de conscience sur son rapport au monde, à la nature, aux autres êtres vivants. J.-C. P.

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