1er octobre > Récit France

Jadis, au cinéma, avant le film, il y avait les "Actualités", Pathé ou Gaumont, qui racontaient, de manière factuelle, les événements marquants, soutenues par un commentaire abondant, très écrit et qui frôlait parfois la propagande. Régis Debray, né en 1940 ainsi qu’il le rappelle dès le début de Madame H., a bien sûr connu ce médium. Et le long déroulé chronologique auquel il nous convie, de sa naissance à aujourd’hui, y compris l’anticipation de sa mort - se souhaitant "une fin à la Guevara" -, y ressemble un peu. La même rapidité, la même faconde, le même télescopage de faits, et même aussi un peu de mauvaise foi.

Si on le suit, le drame de la vie de Debray, c’est d’être né trop tard pour participer à la Seconde Guerre mondiale, résister, combattre l’ennemi, devenir un héros, un compagnon de la Libération ("le seul ordre national qui commande le respect", écrit-il), puis un grand écrivain, comme Malraux, ou Gary, qu’il cite à plusieurs reprises et appelle ses "anges élévateurs". Mais aussi trop tôt pour "faire" Mai 68, s’engager dans la politique en espérant "changer la vie". Lui n’a eu droit qu’à des "événements", à de sales guerres coloniales, Algérie ou Indochine, et a cru trouver la rédemption en Amérique latine, guérillero ou desperado. Il a fini, conseiller et "plume" de François Mitterrand, sous les lambris de la République bourgeoise, jusqu’à ce que, ses illusions définitivement perdues, il se retire sur son Aventin du Quartier latin, d’où il se plaît à jouer les vieilles badernes, voire les imprécateurs. En faisant souvent mouche.

Debray a du talent, de l’originalité, une plume et un goût inné pour l’à-rebours : s’afficher "gaulliste d’extrême gauche", catholique, dater "le terminus de l’ère chrétienne dans notre finistère" du 19 mai 1974, jour de l’élection de Giscard à la Présidence… Tout cela est réjouissant, salutaire. Quant à son chapitre VIII, sur la disparition du fumeur de pipe, c’est un vrai bijou. J.-C. P.

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