7 septembre > Récit Colombie > Piedad Bonnett

Professeure de littérature à l’Université des Andes à Bogota, lauréate de nombreux prix littéraires et traduite dans plusieurs langues, Piedad Bonnett est une poète reconnue, même si un seul recueil de ses poèmes, Le manuel des miroirs (Caractères, 2015), est jusqu’à présent disponible en français. Mais dans ce bref et poignant récit à la première personne qui paraît chez Métailié, la poète est une mère endeuillée, inconsolable de la perte de son fils Daniel, qui a mis fin à ses jours le 14 mai 2011 à l’âge de 28 ans, en sautant du toit d’un immeuble à New York, issue fatale d’un combat de huit ans livré contre la schizophrénie. Une mère qui devant l’irréparable a choisi de "livrer bataille obstinément contre les mots dans une tentative de plonger au plus près de sa mort, de remuer les eaux troubles de ce puits, non pas pour trouver la vérité, qui n’existe pas, mais dans l’espoir que les différents visages de Daniel apparaissent dans les reflets vacillants de sa sombre surface".

Piedad Bonnett, également grand-mère, se souvient de son enfant, garçon introverti et perfectionniste, artiste passionné de dessin et de peinture. Elle se remémore les premiers symptômes d’une maladie qu’il a toujours cachée pour tenter de mener une vie normale, les crises, les traitements… L’angoisse fataliste rongeant à distance les parents, toujours sur le qui-vive, impuissants. "Aucun amour ne vaut pour qui a décidé de se tuer", constate-t-elle avec cette lucidité humble qui tend ce récit de bout en bout. Accablée d’ignorance, de questions qui n’auront jamais de réponses, l’écrivaine convoque aussi les mots des autres - Julian Barnes, Vladimir Nabokov, Raymond Carver, Javier Marias, Imre Kertész - pour tenter de formuler l’irréductible chagrin de ne rien savoir, au fond, des douleurs qui ont poussé celui qu’on a mis au monde à choisir de le quitter. Piedad Bonnett termine sa déclaration d’amour par une ultime adresse à son enfant qui serre le cœur. Comme résonne de façon bouleversante Déchirure, le poème funestement prémonitoire écrit quand son fils est parti s’installer à New York et qu’elle lira à ses funérailles. Véronique Rossignol

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