Avant-critique Essai

Delphine Apiou, "Être une femme périmée, tu sais c'est pas si facile" (Denoël) : Le chaos des quinquas

Delphine Apiou - Photo © Delphine Apiou

Delphine Apiou, "Être une femme périmée, tu sais c'est pas si facile" (Denoël) : Le chaos des quinquas

Ce manifeste personnel et social de la journaliste Delphine Apiou dénonce l'exclusion professionnelle et amoureuse des femmes, passé un certain âge.

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Par Kerenn Elkaim
Créé le 29.10.2022 à 11h00

« On ne naît pas quinqua, on le devient. » Un constat indissociable de l'existence, pourtant atteindre cet âge constitue une tare qu'on doit freiner ou cacher à tout prix. Le dernier roman de Virginie Despentes scrutait déjà ce phénomène. Les femmes semblent particulièrement concernées, comme si elles devaient rester d'éternelles beautés de 20 ans. Dans sa « vie avant péremption », la journaliste Delphine Apiou s'est surtout imposée dans la presse féminine, notamment comme rédactrice en chef de Biba. « Je suis plutôt du genre électron libre », dit celle qui n'hésite pas à se livrer au sujet de ses cancers, sa tristesse de ne pas avoir pu avoir d'enfant ou de vieillir aux yeux des autres (Avant, j'avais deux seins, Robert Laffont, 2015, ou Mon tout petit, Denoël, 2020). On reconnaît son humour, même pour relater la gravité de certaines expériences. Or voilà que « pour la première fois, je suis désarmée, désœuvrée. Je ne sais pas comment faire ». Qui aurait pu imaginer que, passé un certain âge, les femmes demeureraient des figures ménopausées défraîchies ? Une gifle à l'heure des progrès féministes, d'autant qu'elles sont supposées positiver en permanence. Face à son « sentiment d'impuissance », Delphine compense par sa plume acidulée. « Ce récit est le cri d'une femme de plus de 50 ans, qui n'a plus de travail et qui en cherche, qui n'a plus d'amoureux, mais qui en veut bien un. » Les statistiques sont néanmoins formelles : les femmes souffrent d'une double peine âgiste et sexiste. « Est-ce qu'une quinqua en recherche d'emploi fait peur ? » Apiou prône un #MeToo des seniors en la matière, tant ils sont condamnés au siège éjectable. « Ce fléau des quinquas (et plus) sur le carreau a un coût pour la société, non ? » À savoir une précarité aux effets délétères. Côté cœur, ce n'est guère plus réjouissant. Les hommes préfèrent jeter leur dévolu sur des femmes plus jeunes. « La célibataire quinqua est vue comme une fille qui aurait raté un truc. » Dépitée, l'autrice avoue : « Mais oui, j'aimerais réussir ma vie. Enfin, réussir la vie qu'il me reste. » Et même si « le combat paraît perdu d'avance », elle écrit « ce pamphlet pour ne pas devenir aigrie » et aider les femmes à former une chaîne solidaire dans cette société cruelle.

Delphine Apiou
Être une femme périmée, tu sais c'est pas si facile
Denoël
Tirage: 3 000 ex.
Prix: 12 € ; 128 p.
ISBN: 9782207167021

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