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La loi création et patrimoine a été votée le 22 mars 2016, en deuxième lecture, par l’Assemblée nationale. Ce texte modifie plusieurs aspects du droit de la culture, sans pour autant régler nombre de difficultés juridiques.

Rappelons aussi, à sa décharge, que le ministère de la Culture et de la Communication a connu de nombreuses péripéties qui n’ont pas aidé à porter un projet ambitieux.

C’est en effet le 8 juillet 2015, que la ministre de la Culture de l’époque, Fleur Pellerin, récupérait les brouillons de projets d’Aurélie Filippetti, pour présenter un projet loi « relatif à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine », supposé à la fois réaffirmer la liberté de création – afin de réagir, sept mois plus tard, aux attaques contre Charlie Hebdo… – et colmater les fuites dans les textes sur le patrimoine et l’archéologie.

Cette loi est sans doute la dernière de l’actuel quinquennat pour ce qui concerne les milieux culturels ; il aurait donc été cohérent que, à défaut de porter une véritable politique culturelle, elle puisse servir à rebâtir le Code de la propriété intellectuelle, comme à réfléchir à une vraie ambition numérique.
Relevons à ce titre que les amendements proposés par la députée Isabelle Attard et portant sur le dépôt légal des livres numériques, ont été purement et simplement retoqués.

La législation française impose encore aux éditeurs, et dans une moindre mesure aux imprimeurs, un certain nombre de dépôts et de formalités, dans un but de conservation du patrimoine écrit, la plupart des dépôts qu’il fallait effectuer le cadre d’une surveillance exercée par le ministère de l’Intérieur ayant été supprimés entre 2006 et 2010.

Et le dépôt primordial reste le dépôt légal. Il a été réformé par une loi du 20 juin 1992 – suivie d’un décret d’application en date du 31 décembre 1993 et de plusieurs arrêtés pris à partir de 1995.

Plusieurs refontes sont intervenues depuis lors (dont un décret du 13 juin 2006 et une loi du 1er août de la même année). Ces textes sont à présent intégrés dans le Code du patrimoine.

Rappels sur le dépôt légal

Le dépôt légal concerne les imprimés de toute nature – dont les livres, bien entendu. Les seuls imprimés qui ne soient pas visés sont les bilboquets (on désigne ainsi les imprimés de ville tels que les faire-part, les imprimés administratifs ou encore de commerce, comme les étiquettes).

L’éditeur doit à ce jour, en droit, déposer un exemplaire de sa publication à la Bibliothèque nationale, ou aux bibliothèques provinciales habilitées. Ce dépôt est, en théorie, à effectuer au moins quarante-huit heures avant la mise en vente, la distribution, la location ou la cession pour reproduction. Les éditeurs d’outre-mer sont soumis à un régime particulier.

Bruno Racine, en sa qualité de président de la BNF, avait annoncé dès 2012, sa volonté de réduite le dépôt de deux à un seul exemplaire. Comme cela était déjà le cas, en droit, et bien plus justifié, pour les tirages de luxe, en particulier les tirages limités à moins de trois cents exemplaires.

La BNF estime en effet que des éditeurs ne peuvent financièrement souffrir le coût de l’envoi de deux exemplaires. Ce qui est plus certain, c’est que la BNF va économiser du temps et donc de l’argent.
Soulignons par ailleurs que le dépôt légal s’applique également aux imprimeurs qui, par ailleurs, doivent indiquer sur tout imprimé leur nom et leur domicile, aux termes de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Sanctions pénales

Des sanctions pénales existent, théoriquement, contre les défaillants, mais elles restent exceptionnelles.
Ajouton à cela que se pose, depuis une vingtaine d’années, la question du dépôt légal du numérique.
Le dépôt légal s’est d’abord appliqué déjà aux fruits de l’édition électronique off-line (CD-ROM et autres DVD). Et certains Etats étrangers ont tenté de procéder au dépôt légal des sites. La Bibliothèque Nationale de France et l’Institut National de l’Audiovisuel ont œuvré à la mise en place d’un tel dépôt.
Celui-ci devait être encadré par la « loi sur la société de l’information » (appelée, au temps de sa gloire éphémère, la « LSI »). Mais ce texte a été balayé par le projet de « loi sur la confiance dans l’économie numérique », présenté par Nicole Fontaine (et baptisée, depuis lors, la « LEN »), qui n’en a pas plus dit mot.

Le programme mis en place consistait en réalité à « aspirer » le contenu de la toile. Il n’y avait donc aucune formalité obligatoire à la charge des éditeurs.

La difficulté résidait évidemment dans la sélection à opérer des sites à collecter comme de la régularité pour y procéder. Les systèmes de dépôt nécessitant de semblables choix se sont révélés très défectueux, comme cela s’est révélé pour le dépôt des progiciels.

De plus, « aspirer » les sites sans la coopération des éditeurs peut se révéler très ardu, notamment lorsqu’il est nécessaire de disposer d’un mot de passe pour y accéder...

Obstacles

Par ailleurs, Valérie Game, la BNF, avait précisé, en 2002, qu’il n’y aurait pas de consultation en ligne possible des sites « déposés ». Mais même une simple visualisation sur place ou via un intranet présente de nombreuses difficultés juridiques, en particulier en termes de propriété littéraire et artistique.

C’est la raison pour laquelle, au début des années 2000, le ministre de la Culture avait indiqué que les modalités du dépôt légal du web seraient fixées dans une future loi sur le droit d’auteur…

Le dépôt légal des sites en ligne a au final été voté dans le cadre de la loi dite DAVDSI du 1er août 2006, restée fameuse pour avoir préfiguré l’Hadopi.

Un décret du 19 décembre 2011 précise que « les services de communication au public en ligne (…), enregistrés sous le nom de domaine. fr ou tout autre nom de domaine enregistré auprès du ou des organismes français chargés de la gestion de ces noms, enregistrés par une personne domiciliée en France ou produits sur le territoire français » (...) « sont soumis au dépôt légal auprès de la Bibliothèque nationale de France ».

Quant au dépôt des livres numériques, qui semblait une idée plus raisonnable et à même d’aider à la conservation de la mémoire culturelle, les débats parlementaires l’ont éliminé, arguant notamment de l’absence de définition du livre numérique. Ce qui n’a empêché en rien ni de ciseler un taux de TVA pour le livre numérique ni de lui appliquer la loi sur le prix unique…

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