6 novembre > Histoire illustrée Inde

Si l’on honore à présent, et en toute justice, les "indigènes", ces habitants des colonies des puissances occidentales venus combattre en Europe et ailleurs durant les deux guerres mondiales (1914-1918 surtout), les historiens et les médias se sont surtout intéressés aux Africains, tirailleurs sénégalais pas tous sénégalais, spahis ou goumiers. Peu de travaux sur les Asiatiques. Et, jusqu’à présent, l’engagement des Indiens n’avait pas été mis en lumière. Pourtant, plus d’un million d’entre eux, sujets du Raj britannique, dont 140 000 cipayes du nord du pays, ou gurkhas népalais, ont été enrôlés dans l’Indian Expeditionary Force, et envoyés se battre sur tous les fronts, notamment en France et en Belgique. C’est à ceux-ci, ces 132 496 hommes, combattants et non-combattants, débarqués à Marseille dès septembre 1914, que s’est attaché Santanu Das, Bengali vivant en Angleterre, lecteur au King’s College de Londres et spécialiste des échanges culturels durant la Première Guerre mondiale.

Certains étaient volontaires, d’autres attirés par la propagande, l’aventure, ou avaient choisi d’échapper à leurs créanciers ! La plupart étaient des gens humbles, beaucoup de paysans, mais on compta quand même deux maharadjahs, dont l’un exigea de se battre en première ligne. Même si l’engagement du pays aux côtés de son colonisateur ne faisait pas l’unanimité, Gandhi ou Tagore ont approuvé - ce sera différent lors de la Seconde Guerre mondiale. Aussi vaillants que sous-équipés, ces Indiens ont été convoyés vers le front en train, via Orléans, puis Paris. D’où ces photos extraordinaires des troupes indiennes défilant sur les Champs-Elysées le 14 juillet 1916, fêtées par la population. De leur côté, dans leurs lettres, ceux qui savaient écrire sont éblouis : "La beauté de Paris est indescriptible, témoigne le cavalier Sirdar Ali Khan. […] Les bâtiments (et) bazars sont on ne peut plus magnifiques et, en ce qui concerne les gens, on en remarque la beauté." Celle des femmes, surtout : des idylles se nouèrent.

Mettant en avant les images, Santanu Das a composé un vaste reportage, un siècle après, où l’on suit avec émotion les combattants au jour le jour en Inde, en France, au front, dans les camps de prisonniers où certains furent détenus par les Allemands, les hôpitaux. Pas les cimetières, même si 4 200 Indiens furent, par exemple, tués à Neuve-Chapelle, en 1915. Il était temps de leur rendre hommage. On regrettera juste que l’auteur n’ait pas consacré une page aux Indiens de nationalité française, aux Pondichériens en particulier, venus défendre leur patrie. J.-C. P.

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