2 décembre > Histoire de l’art France

Voici l’histoire de la rencontre, à Paris, en 1949, d’Henri Michaux (1899-1984) et Zao Wou-ki (1921-2013), deux artistes français d’origine étrangère, l’un belge, qui détestait qu’on le lui rappelle, l’autre chinois. Le premier, qui connaissait déjà la Chine (celle du Barbare en Asie), découvrant des lithographies du second, figuratives (des poissons, des paysages arborés), et s’enthousiasmant au point de poser des poèmes dessus. En 1950, paraît sa Lecture. S’ensuit une longue amitié, quelques travaux communs - Michaux écrivit trois autres textes sur Zao, préfaces à des expositions -, des échanges d’œuvres, de correspondance, jusqu’à la mort du premier, en 1984.

Michaux, poète majeur du XXe siècle, était aussi un grand peintre, auteur d’une œuvre considérable. Occidental qui peignait pour se "déconditionner", les techniques de la peinture extrême-orientale, sa gestuelle, sa rapidité d’exécution, la place qu’elle accorde aux signes, tout cela ne pouvait que lui plaire et l’influencer. Michaux saluait en Zao son "introducteur en choses chinoises". Zao, lui, a peut-être puisé chez son ami la force de revenir à ses racines (il n’est retourné en Chine qu’à partir de 1972), de se détacher du figuratif pour aboutir à cette "abstraction lyrique" si particulière, qui doit beaucoup à l’art ancestral de la calligraphie. De Michaux aussi, l’univers est peuplé de signes, d’alphabets, d’idéogrammes, de personnages et de paysages fantasmagoriques. Lui qui s’est passionné pour l’Asie (l’Inde, par exemple), qui avait dans le visage et les yeux quelque chose d’un magot, aurait pu être chinois.

Cette relation unique est exposée à la Fondation Martin Bodmer à Cologny, en Suisse, du 5 décembre 2015 au 10 avril 2016. Le beau livre à paraître, qui lui sert de catalogue, en est le témoin exhaustif. J.-C. P.

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