Inga, Cora, Liv... et les autres. Il y a des auteurs comme ça. On croit qu'ils écrivent sans cesse le même livre. Non, ils le poursuivent. La musique est la même, mais à tendre l'oreille, les harmoniques diffèrent. Ils traquent des fantômes, c'est là toute l'histoire. Dans le genre, qui serait assez le nôtre, il y a Patrick Modiano bien sûr. Il y a aussi Didier Blonde. Perdu de roman en roman dans la recherche d'un temps qui l'est tout autant, à la poursuite du visage incertain d'actrices du muet dont lui seul a gardé le souvenir tremblant, piéton d'un Paris qui n'est plus.
Cette fois-ci, dans ce registre si beau et si fragile à la fois, c'est un identique chemin des souvenirs qu'emprunte le romancier, mais qui le mène à travers les années dans un éternel aller-retour entre Paris et Oslo. Tout commence un jour de mars 2011. Le narrateur, un écrivain et archiviste du cinéma muet, est contacté par une certaine Liv Fure, documentariste de son état, qui lui demande de l'aider à mener des recherches sur le long séjour que fit à Paris, un siècle auparavant, la grande autrice norvégienne Cora Sandel, manière d'écrivain national en son pays mais par ailleurs totalement ignorée en France. La proposition, inattendue, est de nature à troubler notre homme car elle fait ressurgir un épisode occulté de sa mémoire : les quelques semaines, trente ans auparavant, qu'il passa à Oslo alors qu'il n'était encore qu'un jeune amoureux d'aurores boréales et des livres d'Hamsun. Il avait eu alors une liaison avec la jeune, blonde et délicieuse Inga. Dès lors, c'est au moins autant celle-ci que l'archiviste mélancolique va chercher à retrouver, qu'une Cora dont il ignore tout. Entretemps, la documentariste est arrivée à Paris, le tournage commence, notamment dans le quartier du Montparnasse où vivait d'expédients et d'espoirs fous une future romancière qui se destinait alors à la peinture... Tout va peu à peu se mélanger, les visages et les noms, les langues, les chansons, les femmes, et le souvenir va se transformer en un splendide et obsédant capharnaüm. Didier Blonde orchestre cela avec une maestria presque malicieuse. Trois femmes, trente ans, deux pays, les chiffres ne sont jamais rien d'autre que la martingale du temps retrouvé.
Oslo, de mémoire
Gallimard
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 17 € ; 160 p.
ISBN: 9782073055125