25 août > Premier roman Cuba

"Le pays entier est un disque rayé." C’est Cuba qui inspire ce commentaire au héros désenchanté du roman de Canek Sanchez Guevara. A travers le quotidien d’un bureaucrate noir employé dans un ministère à La Havane, le petit-fils de l’iconique guérillero délivre une vision déprimée de l’île où il est né en 1974. Il y a passé son adolescence, puis il l’a quittée dans les années 1990 pour s’installer au Mexique, le pays de son père. Dans ce portrait d’un Cubain solitaire, il décrit un peuple anesthésié par l’ennui, la soumission, la répétition des jours, gagné par "une torpeur déguisée en mouvement", une neurasthénie tropicale noyée dans le mauvais rhum. Cet homme, qui regarde le temps passer, lit beaucoup, mange à la cantine de son travail toujours le même repas frugal. Mais il a aussi le privilège de pouvoir améliorer l’ordinaire grâce aux dollars que sa mère, partie s’installer à Madrid, lui envoie. Il peut ainsi s’approvisionner dans les magasins pour étrangers où il accompagne la Russe du neuvième étage avec laquelle il entretient une liaison cachée. Il se promène dans la ville avec un appareil photo, et sur le bord de mer où il observe ceux qui s’embarquent sur des embarcations d’infortune. "Le mur est la mer, le rideau qui nous protège et nous enferme. Il n’y a pas de frontières ; ces eaux sont les remparts et les barbelés, la tranchée et le fossé, la barricade et le barrage."

Canek Sanchez Guevara est l’auteur avec Jorge Masetti des Héritiers du Che (Presses de la Cité, 2007). Décrit comme un "enfant rebelle de la révolution", membre du Mouvement libertaire cubain, comme il le raconte dans plusieurs textes ajoutés à la fin du roman, cet amateur de rock n’aura pas vu les Rolling Stones donner leur premier concert à La Havane. Il est mort à Mexico en 2015, à 40 ans, des suites d’une opération du cœur. 33 révolutions restera son premier et unique roman. V. R.

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