2 mai > Fable France

Gérard Guégan considère qu’un écrivain peut s’emparer du réel et le dilater, le diffracter en l’amalgamant à de la fiction. C’est donc en écrivain qu’il réécrit des épisodes historiques et biographiques avec une attirance pour les personnalités doubles, les figures intellectuelles ambiguës et les zones troubles de l’engagement politique. Après Qui dira la souffrance d’Aragon ? (Stock, 2015), Appelle-moi Stendhal (Stock, 2013) et Fontenoy ne reviendra plus (Stock, 2011) pour lequel il a reçu le Renaudot essai, Tout a une fin, Drieu peut se lire comme une brève biographie romancée de Pierre Drieu la Rochelle dans laquelle on trouve des faits historiques agrégés dans une fable.

Loin de la démarche de l’historienne Aude Terray, auteure des Derniers jours de Drieu la Rochelle (Grasset), Guégan imagine, lui, le dernier soir de l’écrivain fasciste traqué pour collaboration. Une virée nocturne dans Paris, le 14 mars 1945, la veille de sa mort, quelques mois après une première tentative de suicide. Kidnappé dans la rue par un groupe de quatre résistants, il est jugé pour l’exemple dans un procès improvisé. Dans ce scénario, Drieu se laisse arrêter sans résister, pense qu’il va être condamné à mort mais ne cherche pas à se défendre et attend le verdict avec soulagement.

A travers les réquisitoires de ces procureurs, Guégan esquisse un portrait de Drieu en homme animé d’un goût pour la souffrance, d’une forme de haine de soi. Intercalée dans le récit de l’interrogatoire, une voix, "un double de lui-même", son "répondant", le tutoie, l’apostrophe, lui fournit parfois des arguments à décharge mais dénonce aussi son état dépressif comme "une posture". Devant l’opaque Marat, le chef de ses ravisseurs, un "homme à secrets", Drieu se décrit comme un écrivain que "dans cinquante ans personne ne lira plus", un "raté littéraire", alors qu’en 2012 il est entré dans la "Pléiade". Véronique Rossignol

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