Tribune

Ecrivains et éditeurs s’indignent de voir le « globish » envahir Livre Paris

Extrait de la page web de Livre Paris

Ecrivains et éditeurs s’indignent de voir le « globish » envahir Livre Paris

Plus globalement, éditeurs, écrivains, essayistes, journalistes et artistes s'alarment du grand remplacement de la langue française par des termes anglo-saxons. Ils interpellent le Syndicat national de l'édition ainsi que les ministres de la Culture et de l'Education.

Par Vincy Thomas
Créé le 28.01.2019 à 17h20

Dans une tribune intitulée « Dans un salon consacré au livre, et à la littérature française, n’est-il plus possible de parler français ? », parue dans Le Monde daté du 28 janvier, une centaine d’éditeurs, écrivains, essayistes, journalistes et artistes "s’indignent de voir le «globish», un sous-anglais, supplanter notre langue dans les médias, à l’université et jusqu’au prochain salon Livre Paris."

"Pour la deuxième année consécutive, la littérature Young Adult est mise à l’honneur au salon Livre Paris », lit-on sur le site Internet de cette manifestation qu’on appela longtemps le Salon du livre, et qui se tiendra du 15 au 18 mars. A côté de la littérature jeunesse, qui dispose de sa propre « scène » au salon, il y en aurait donc une autre, cette fois « jeune adulte ». Passons sur le bien-fondé de cette catégorie qui remonte au succès commercial d’Harry Potter – et se distinguerait peut-être d’une littérature « adulte mûr » et d’une troisième, « vieil adulte ». Mais pourquoi doit-elle être dite en anglais? " commence le texte, qui égraine ainsi les mots "scène YA", "Le Live", "Bookroom, "Brainsto, "Photobooth" et autres "Bookquizz" repérés sur le site.

Parmi les signataires, on retrouve Teresa Cremisi, Muriel Barbery, Olivier Barrot, Tahar Ben Jelloun, Gérard de Cortanze, Catherine Cusset, Didier Decoin, Michel Le Bris, Marie NDiaye, Olivier Rolin, Denis Podalydès, Catherine Millet, Lydie Salvayre, Boualem Sansal, Leïla Slimani et Abdellah Taïa.

"Dans les rues, sur la Toile, dans les médias, dans les écoles privées après le bac et dans les universités, partout, en fait, l’anglais tend à remplacer peu à peu le français – à la vitesse d’un mot par jour" s'alarment les signataires, qui y voient "une atteinte grave à une culture et à une pensée plus que millénaires, et que partagent près de 300 millions de francophones."

"Globish" abrutissant

Ils interpellent les institutions, demandant "aux responsables du Syndicat national de l’édition et de Livre Paris d’exclure toute terminologie anglaise lorsqu’elle n’est pas indispensable, et donc de remplacer l’anglais par le français sur la scène d’une littérature dont nous leur laissons le soin d’inventer le nom dans notre langue", au ministre de la Culture, "de veiller, avec bien plus d’énergie qu’il ne le fait, à la défense et au respect de la langue française dans sa sphère de compétences. Aucune subvention ne peut être accordée à une manifestation culturelle où un seul mot français serait remplacé inutilement par un mot anglais" et au ministre de l'Education "de renforcer la protection des Français les plus jeunes face aux agressions de l’uniformité linguistique mondiale. Aucun mot anglais inutile ne doit paraître dans les programmes scolaires. Les cours de français doivent comprendre la redécouverte et la réinvention de notre langue par les élèves, aujourd’hui victimes d’un globish abrutissant."

Le "grand remplacement"

Ils ajoutent: "Pour nous, intellectuels, écrivains, enseignants, journalistes et amoureux de cette langue venus de tous les horizons, « Young Adult » représente la goutte d’eau qui fait déborder le vase de notre indulgence, de notre fatalisme parfois. Ce « Young Adult », parce qu’il parle ici de littérature francophone, parce qu’il s’adresse délibérément à la jeunesse francophone en quête de lectures, est de trop. Il devient soudain une agression, une insulte, un acte insupportable de délinquance culturelle."

"Nous savons qu’il ne s’agit pas seulement d’une question de mode, de modernité chic. Nous savons fort bien qu’il s’agit au fond de commerce et de mercatique, d’impérialisme linguistique pour mieux vendre partout les mêmes produits, de colonialisme culturel accompagnant la mondialisation économique. Pervertissant jusqu’à l’inconscient de la responsable de la programmation de la « scène YA », qui écrivait à l’un d’entre nous trouver spontanément le mot « bookroom » plus « dynamique » que n’importe quel équivalent français", expliquent-ils.

La tribune se conclut en appelant à un sursaut, une prise de conscience "de la violence illégitime et même souvent illégale de cette destruction de notre patrimoine culturel, et des dommages irréversibles qu’elle y commet, et les appelons à prendre part à ce grand projet : inventer en langue française."

Rappelons que les Québécois ont, grâce à leur loi 101, l'obligation de traduire tout les mots anglophones, jusqu'au titre des films. Et que les Français, qui apprennent une ou plusieurs langues étrangères dès le secondaire, sont classés 22e sur 26 en Europe, pour ses compétences en anglais.
   

 

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