7 SEPTEMBRE - ROMAN France

Philippe Jaenada- Photo ROBERTO FRANKENBERG/GRASSET

C'est une mésaventure qui peut arriver à chacun d'entre nous, pour peu qu'il soit marié. Un soir, après une altercation particulièrement absurde mais violente, la pourtant guère expansive Anne-Catherine, excédée par son lymphatique époux, Serge (dit Bix) Sabaniego, un romancier en mal d'inspiration, lui lance un "CONNARD, DÉGAGE !" d'anthologie, que même lui ne saurait accepter. Bix quitte donc le domicile conjugal, sa femme et leur fils, le gentil Ernest, qu'il chérit plus que tout au monde, aussi sec, sac matelot sur l'épaule et sans même prendre de manteau. Il le regrettera d'ailleurs amèrement : on est en plein hiver, et il gèle à pierre fendre. Tel un ours en maraude, son totem, il faut qu'il aille jusqu'au bout de son trip, même very bad, rien que pour se prouver à lui-même qu'il existe encore et que, peut-être, en lui un grand fauve sommeille...

A partir de là, tout part en vrille : occasion, pour Philippe Jaenada, de bâtir un roman époustouflant, une fable aussi désopilante que désespérée, où il n'est pas impossible qu'il ait glissé quelques épisodes autofictionnels. Ainsi de cette remise à Bix du prix Vialatte par Jacques Toubon, alors député-maire du 13e arrondissement, et qui se termine par une scène de beuverie mémorable. Sans l'élu, mais avec quelques membres du jury nommément cités !

Tout au long de sa descente aux enfers, c'est incroyable ce que Bix peut picoler : essentiellement du whisky et de la bière, depuis le Métro Bar, un rade de son quartier, jusqu'au très chic Hôtel Lutetia, en passant par un casino monégasque où il gagne une fortune aux petits chevaux. Au passage, il croise des personnages hallucinants, comme Jean-Christophe, dit Jésus, l'ancien monte-en-l'air devenu clochard, Milka Beauvisage, la nympho avec qui il connaîtra un fiasco retentissant, ou encore Bambi et Jean-Luc, un couple de pervers de la Côte d'Azur, avec qui l'échangisme se terminera fort mal...

Impossible de recenser les nombreux rebondissements de cette histoire, qui s'imbriquent les uns dans les autres avec une implacable logique de Mecano : la moitié du roman, au moins, est écrite entre parenthèses, avec des parenthèses dans les parenthèses. Ce qui ne gêne en rien notre lecture, car les digressions jaenadiennes sont fort savoureuses et jamais totalement gratuites. Et le sujet du roman, au final, ne serait-il pas une courte parenthèse dans la vie d'un homme ordinaire et fragile, racontée à la première personne, mais par un écrivain doué d'un talent et d'un souffle rares.

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