Katarina Mazetti est, à 73 ans, l’une des reines de la tragi-comédie. La star suédoise a vendu plus de 1,5 million d’exemplaires du Mec de la tombe d’à côté (Gaïa, 2006) et de sa suite, Le caveau de famille (Gaïa, 2011). Après Ma vie de pingouin (Gaïa, 2015), elle revient avec un recueil de vingt-neuf courtes histoires qui mijotent en mode aigre-doux, son mode de cuisson favori, les différentes façons de mettre fin à un mariage.
A l’attention de tous les divorcés de la terre, ces histoires qui ne donnent ni conseils, ni recettes sont donc peuplées d’ex et de nouveaux conjoints - "les remplaçants" - et très souvent d’enfants de tous âges pas toujours bien disposés. Ainsi, dans la toute première histoire, la narratrice note que les adolescents de son compagnon (17 et 14 ans) lui parlent "comme si [elle] était une employée de maison permettant de bénéficier d’un crédit d’impôt". C’est bien le ton Mazetti. Entre rires amers et larmes douces, l’auteure, qui a le talent de ne jamais prendre ses personnages de haut, fait miroiter toute les faces du divorce chez le modèle de couple monogame occidental. D’un côté, la libération, la nouvelle vie, la famille élargie. Sa fantaisie, sa cocasserie, son énergie neuve, à l’image de ce "grand planning" gérant l’emploi du temps d’une famille recomposée de deux adultes et six enfants. Et de l’autre, la face chagrine : la trahison, la tromperie, la jalousie, l’abandon, la rancœur (la délaissée qui saccage le jardin de la maison de campagne de son ex-mari dans "Le hérisson"), la spoliation dans "Libre de toute dette", la mesquinerie du partage des biens… Dans "Divorcer 1" et "Divorcer 2", une femme met en poème l’évolution de son mariage dans un carnet intitulé Complaintes pour futurs et ex-divorcés qui sonne comme une chronique triste du désamour. "Personne ne peut inverser le vent/ni raccrocher les feuilles aux arbres/et la branche cassée ne refleurit plus jamais." Le divorce, observe la romancière qui s’y connaît, c’est aussi la solitude et le manque, pas tant du conjoint que du monde qu’on a quitté en se séparant : "le manque du mariage". V. R.
