Edition

Finitude change de dimension

Emmanuelle et Thierry Boizet. - Photo S. Martinez/LH

Finitude change de dimension

En douze ans, les éditions Finitude, créées par Emmanuelle et Thierry Boizet, se sont professionnalisées. Encouragée par un prix de Flore et par l’enchaînement de projets ambitieux, la petite maison franchit un cap en entrant chez Harmonia Mundi pour sa diffusion-distribution.

 

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Par Sandrine Martinez,
Créé le 29.11.2013 à 14h34 ,
Mis à jour le 06.12.2013 à 12h56

Les éditions Finitude, installées dans la banlieue bordelaise, veulent changer leur image. Déjà, après avoir décroché le très parisien prix de Flore, en 2012, avec Zénith-hôtel, premier roman du jeune Oscar Coop-Phane, et s’être lancées, l’an dernier, dans le projet fou de publier sur quinze ans le Journal de H. D. Thoreau, les libraires et les critiques littéraires ne les regardent plus du même œil. « Nous étions enfermés dans une image d’éditeurs de vieilleries et personne ne nous faisait confiance lorsqu’on publiait de la littérature contemporaine, commentent Emmanuelle et Thierry Boizet, les deux fondateurs. Maintenant, nous avons apporté la preuve que nous savons aussi faire des livres qui se vendent. » Signe que leur légitimité est assurée, cette maison, gérée de façon artisanale par ces deux quadragénaires, va quitter Belles Lettres et rejoindre Harmonia Mundi à partir du 1er janvier 2014 pour leur diffusion-distribution.

 

 

Haute tenue

« C’est le bon moment pour travailler ensemble, confie Pascale Lapierre, directrice commerciale chez Harmonia Mundi. Ils nous ont séduits par leur histoire, leur catalogue et leurs projets d’envergure. » La réputation de cette petite maison s’est bâtie, en douze ans, sur la haute tenue de leurs ouvrages, tant sur l’aspect visuel que sur la qualité de leurs textes, exclusivement de la fiction et des documents littéraires français et étrangers. Emmanuelle et Thierry, ex-libraires de livres anciens, ont dépouillé les vieilles revues et harcelé les ayants droit pour exhumer des textes oubliés ou inédits : Raymond Guérin, Georges Perros… « Nous avons tout de suite eu beaucoup de presse, s’étonne encore Thierry Boizet. Nous étions les premiers d’une toute nouvelle génération d’éditeurs indépendants. »

 

En 2008, Finitude franchit un cap en rééditant Jean-Pierre Martinet, dont le livre mythique, Jérôme, publié en 1978, restait introuvable. « Il y a maintenant des traductions à l’étranger et quatre thèses en cours sur lui », sourit l’éditeur, pas mécontent d’avoir réhabilité ce ronchon magnifique. Et d’avoir assis la notoriété de Finitude auprès des professionnels.

La maison d’édition, qui a déjà publié 120 livres, conserve un catalogue riche de 85 titres disponibles. Elle affiche un chiffre d’affaires 2012 de 226 000 euros, dont 30 % proviennent du fonds et 70 % des nouveautés. Mais la maison, qui a longtemps publié des ouvrages à 1 500 exemplaires, édite désormais une douzaine de titres par an tirés à 4 000 ou 4 500 exemplaires pour les gros projets. « Nous parvenons à l’équilibre économique sur tous nos livres. Nous ne prenons guère de risque car nos tirages ne sont pas énormes », explique Thierry Boizet, qui est le seul salarié de la SARL. Les rentrées financières extérieures sont ponctuelles : une aide à la traduction par-ci, une subvention au changement de diffuseur par-là… Les coûts, eux, sont réguliers : envois postaux, loyer des bureaux… « Et la fabrication ! Nous y laissons 15 à 20 % du prix de vente du livre, ce qui est aberrant », admet l’éditeur. Mais le souci du détail reste la marque de fabrique de la maison au logo en forme de hibou, qui a entrepris par ailleurs un travail de modernisation de ses couvertures.

 

Des succès récents

Ces jeunes éditeurs estiment qu’ils évaluent mieux aujourd’hui le potentiel commercial d’un titre. Grâce à leurs récents succès : Jérôme s’est vendu à 4 500 exemplaires, le Journal de Thoreau à 5 000, Zénith-hôtel à 6 000 (et continue à sortir), et ils ont écoulé 5 000 volumes du deuxième roman de Coop-Phane que Finitude accompagne toujours.

 

D’autres indices montrent que la maison progresse : des titres paraissent en poche, comme L’art de choisir sa maîtresse de Benjamin Franklin et la correspondance de Thoreau, tout juste publiée au Livre de poche en même temps que sort en grand format le deuxième volume de son Journal chez Finitude. La maison développe des accords de sorties conjointes avec d’autres éditeurs. « Depuis un an, on nous prête aussi une oreille plus attentive à l’étranger », remarque Emmanuelle Boizet. Des livres de Jean Ferry, Pierre Autin-Grenier, Franz Bartelt et Jean-Pierre Enard ont été achetés aux Etats-Unis, en Argentine, en Allemagne et en Lettonie.

« Nous fonctionnons toujours aux coups de cœur dans nos choix éditoriaux, mais nous aimerions qu’ils soient partagés par un plus grand nombre de lecteurs », souligne Emmanuelle Moizet, qui espère donner, avec le nouveau diffuseur, un plus grand retentissement à ses prochains projets importants : Devenir Carver, un biopic littéraire signé Rodolphe Barry, prévu le 7 janvier, et, en mars, Un truc très beau qui contient tout, le premier volume de la correspondance de Neal Cassady, le chef de file de la Beat generation qui inspira à Jack Kerouac le héros de Sur la route. De quoi élargir le lectorat aux jeunes générations.

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