Le camping, lieu de vie ? Rosetta a 18 ans et vient de perdre son emploi. Avec sa mère alcoolique, elle vit dans une caravane au fond d'un camping boueux, dans une région sinistrée par la désindustrialisation. Obsédée par la peur de disparaître, la jeune femme rêve d'une vie « normale ». Cette image, extraite du film Rosetta des frères Dardenne, traduit l'idée qu'une grande partie d'entre nous se fait de la vie au camping, lorsque celui-ci ne se résume plus aux temps des vacances mais à une résidence à l'année. Synonyme de mal-logement et de déclassement, la vie au camping a mauvaise presse, parasitée par un ensemble de lieux communs véhiculés par les médias, le cinéma et la littérature, « qui font du camping le lieu par excellence de la relégation et de la misère sociale ». Partant des rapports annuels de la Fondation Abbé-Pierre selon lesquels plus de seize millions de personnes sont aujourd'hui victimes, en France, de la « crise du logement » (terme éculé tant cette crise est désormais structurelle), le sociologue Gaspard Lion aborde cette crise sociale majeure à travers le prisme du camping résidentiel. Peu étudiée en France, cette forme de logement en pleine expansion dans l'Hexagone comme à l'étranger abrite des trajectoires de vie bien plus diverses que les a priori qui lui sont liés.
Pour lever ces a priori (ou confirmer ceux qui devaient l'être), Gaspard Lion a vécu trois ans dans une caravane, en immersion dans différents campings. Au fil de son enquête, il est parti à la rencontre de femmes et d'hommes qui, comme Laurent et Nathalie, n'ont pu, malgré une situation professionnelle stable et un apport conséquent, bénéficier d'un prêt pour acheter leur maison. Des caravanes dégradées aux mobil-homes haut de gamme équipés d'appareils électroménagers high-tech, l'auteur brosse le portrait édifiant et nuancé d'un monde hétérogène au sein duquel s'écrivent des expériences et se revendiquent des styles de vie extrêmement divers. À rebours d'une vision misérabiliste (et connotée idéologiquement), son essai traduit avec la rigueur et l'humanité d'une sociologie de terrain cette citation de Georges Perec, extraite d'Espèces d'espaces et choisie en épigraphe : « Vivre, c'est passer d'un espace à un autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner. »
Vivre au camping. Un mal-logement des classes populaires
Seuil
Tirage: 2 000 ex.
Prix: 24 € ; 320 p.
ISBN: 9782021470451