7 MARS - ROMAN France

Jean-Baptiste Del Amo- Photo JEAN-BAPTISTE DEL AMO/GALLIMARD

Ecrivain rare, puisque, depuis la révélation de son talent puissant et singulier avec Une éducation libertine, en 2008, il n'a publié qu'un autre roman, en mineur, et un essai sur Hervé Guibert photographe, Jean-Baptiste Del Amo revient avec Pornographia, un texte bref et dense, d'une rare noirceur, porté par un style somptueux. Une dérive tropicale et hallucinée qui n'est pas sans rappeler le Satiricon, dans sa version fellinienne.

Le narrateur, dont on ignore à peu près tout si ce n'est qu'il doit être écrivain et qu'il éprouve un goût prononcé pour les amours masculines et tarifées, revient un jour au pays natal, qu'il avait pourtant fui et renié. Pour des raisons qui demeureront mystérieuses mais qu'on entrevoit à la fin : la situation de sa mère, peut-être semblable à l'époque à l'une de ces jineteras, Isabel, Tina, Jessie, Elena ou Greta, qu'il coudoie et dont il raconte le quotidien sordide. Tout comme celui de leurs homologues mâles, les jineteros Diego, Ernesto, Alejandro, Ruben ou Juan, qui vivent de leurs charmes de « petits dieux pouilleux » ou « petits dieux de misère ». Gomorrhe et Sodome.

Le narrateur en a rencontré un, qu'il nomme simplement « le giton », avec qui il est allé une fois, et qui continue de hanter ses rêves. Tout au long du livre, il le voit mort, son corps abandonné à la décomposition et aux charognards lui rappelant Le dormeur du val de Rimbaud, en plus trash.

Crue aussi, la description de la capitale tropicale où se situe le roman, qui ressemble beaucoup à La Havane mais qui pourrait se situer aussi au Brésil, ou n'importe où dans le tiers-monde, avec son cortège de malheur, de police corrompue et de touristes immondes qui viennent s'offrir, pour une poignée de dollars, l'illusion d'être aimés. Le narrateur, lui, est bien plus lucide, qui partage la vie de ses compatriotes, et, dans l'expiation d'on ne sait trop quelle faute, trouve la grâce dans la pire des abjections.

Construit en courtes séquences, comme autant d'instantanés, Pornographia est un livre rude, provocant, mais il a la beauté sulfureuse de Genet, de Pasolini, du Guyotat des débuts, la sensualité tropicale en plus.

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