22 AOÛT - HISTOIRE France

Pauvre Garibaldi ! C'est D. H. Lawrence qui parle. L'écrivain britannique considérait qu'on ne pouvait être héros et humble à la fois. C'est, selon lui, ce qui perdit le libérateur de la Sicile et de Naples. Pierre Milza n'est pas de cet avis. Ce formidable historien, biographe de Mussolini (Fayard, 1999) et spécialiste de l'Italie et du fascisme, propose de reprendre le dossier et de dérouler la prodigieuse aventure du combattant à la chemise rouge.

Pauvre, Giuseppe Garibaldi (1807-1882) ne le fut pas vraiment. Né à Nice dans la petite bourgeoisie, il fut l'un des principaux artisans de l'unité italienne. Dès son enfance, il est magnétisé par le port, les bateaux, l'appel du large. Mais bien vite, le capitaine de la marine marchande entend un autre appel, politique cette fois, celui de Giuseppe Mazzini, l'un des principaux protagonistes du Risorgimento.

Commence alors une formidable épopée, digne des meilleurs romans de cape et d'épée. Le marin devient corsaire au service de la République du Rio Grande do Sul au Brésil, puis en Argentine et en Uruguay. C'est en Amérique latine que ce Che niçois rencontre sa première femme, la belle et fougueuse Anita, qui lui donnera plusieurs enfants. C'est aussi sur ce continent surchauffé que ce séducteur invétéré adopte ces fameuses chemises rouges dont il dote sa légion italienne.

Il en a acheté un lot, destiné aux ouvriers des abattoirs chargés de saler la viande, nous dit Milza. Ce symbole est "promis à une longue destinée, à la fois comme signe d'adhésion identitaire aux idéaux politiques du garibaldisme et comme défi permanent adressé à l'ennemi par ceux qui ne redoutent ni de savoir le sang qu'ils perdent quand ils sont blessés, ni d'être une cible vivante pour les tireurs ennemis".

A la manière d'un Dumas, qui fut l'ami de Garibaldi et dont il contribua à écrire - et sans doute aussi un peu à enjoliver - les Mémoires, Pierre Milza nous raconte les métamorphoses de l'Italie autour de Mazzini, Verdi et Cavour - tous nés Français ! - et la geste héroïque de ce condottiere qui "porte son âme sur son visage". Avec Milza, nous suivons le vaillant marin, le chevalier errant de la révolution, le combattant libertaire aux côtés des victimes de la tyrannie, le dictateur provisoire de la Sicile qu'un dictateur durable - Mussolini - voulut récupérer politiquement.

Pierre Milza aime l'écriture. Il veut entraîner le lecteur comme un romancier et l'accompagner comme un guide qui invite à regarder un détail, à souligner une attitude tout en ne négligeant jamais de glisser son analyse des faits. Le film qu'il nous projette témoigne aussi de son affection pour une nation en train de se construire, un pays pour lequel il déploie autant d'enthousiasme que de connaissance. Bref, un Garibaldi exemplaire.

08.10 2014

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