On appelle ça une vocation. Et, comme souvent, c'est à l'adolescence qu'elle est née. « Ma mère, déjà, était quelqu'un de sensible aux animaux, raconte Emmanuelle Pouydebat. Toute petite, on m'emmenait souvent au zoo. Lucy, l'australopithèque, me faisait rêver. J'essayais d'imaginer comment elle vivait. » Le vrai déclic intervient un peu plus tard, alors qu'elle a entrepris des études d'anthropologie sur l'évolution, puis de biologie évolutive, mais sans aucun plan de carrière. « Ce que je me garderais bien de conseiller aux jeunes d'aujourd'hui ! » s'amuse-
t-elle. En 1994-1995, elle effectue un stage de soigneuse au zoo de Thoiry. En dépit de quelques déboires, notamment « avec les macaques de Tonkean qui s'évadaient de leurs cages », la voici mordue, au propre (« ces singes ont des dents fort acérées ») comme au figuré. Elle ramènera même un jour chez elle un bébé wallaby qu'elle tentera de dissimuler à ses parents. De manière empirique, elle avait trouvé sa vocation : « comprendre ce qui fait l'humain, et donc, pour cela, étudier les animaux ». Sans a priori, sans savoir sur quel métier cela déboucherait. « Je me disais simplement : éclate-toi, et tu verras bien. »

Tenniswoman

Pour « s'éclater » et financer ses études, elle enseigne le tennis, tout en rédigeant sa thèse sur Les capacités de manipulation des primates (dont l'homme), qu'elle ne songe pas à publier. Ce n'est que plus tard qu'elle écrira, directement en anglais pour la plupart, nombre d'articles qui font autorité, et donnera de fréquentes conférences un peu partout. Mais, en 1999, Emmanuelle Pouydebat reçoit un petit coup de pouce du destin : elle est lauréate du prix de la Vocation Marcel Bleustein-Blanchet, assorti d'une bourse bienvenue. Dans le jury, un certain Yves Coppens. « C'était mon idole depuis toute gosse, se souvient-elle, encore émue. Le singe, l'Afrique et l'homme, son chef-d'œuvre, est toujours mon livre de chevet. » L'illustre paléontologue et la jeune tenniswoman sympathisent. Il l'embauchera même à ses côtés comme « Attachée temporaire » au Collège de France, en 2004, et lui fera ouvrir les portes des éditions Odile Jacob.

Elle y publie avec succès (10 000 exemplaires vendus, plusieurs traductions) son premier livre, L'intelligence animale, qu'elle voit comme « un reflet de [son] propre cheminement », et veut « interdisciplinaire, à rebours de la psychologie anthropocentriste qui prétend que l'homme est plus intelligent que les autres animaux ».

« Ce n'est pas une bonne question », affirme Emmanuelle Pouydebat, à présent directrice de recherche au CNRS. Son nouveau livre le démontre à l'envi, cet Atlas de zoologie poétique où elle a choisi de célébrer 35 merveilles du monde animal, de l'éléphant, son totem, à des bestioles improbables et peu sympathiques, comme la squille multicolore, l'axolotl, la taupe à nez étoilé, ou encore le redoutable ratel, son chouchou. Le propos est passionnant, enlevé, bien servi par les dessins de Julie Terrazzoni et, sans tomber dans le catastrophisme, se veut aussi un cri d'alerte sur l'état de la planète : « Tous les problèmes que rencontrent les animaux depuis les origines viennent de l'homme. Mais là, en cinquante ans, on a tout bousillé. 7 milliards d'humains sur terre, c'est beaucoup trop. » Voici une scientifique qui parle franc et fourmille de projets de livres pour le grand public.

Emmanuelle Pouydebat
Atlas de zoologie poétique - Illustrations de Julie Terrazzoni
Arthaud
Tirage: 0
Prix: 25 euros, 144 p.
ISBN: 9782081410350

En dates

1973

Naissance
à Paris.

1994-1995

Soigneuse au zoo de Thoiry.

1999

Prix de la Vocation Marcel Bleustein-Blanchet.

2004

Attachée temporaire d'enseignement et de recherche au Collège de France.

2011

Rejoint
le CNRS.

2017

« L'intelligence animale »,
son premier livre.

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