20 septembre > Essais Allemagne > Hannah Arendt

Il est toujours intéressant de connaître l’enfance d’une philosophe, même si Hannah Arendt (1906-1975) réfutait ce terme, même si la jeunesse n’explique pas la maturité. Quand bien même. On voit bien dans le carnet tenu par sa mère Martha, jusqu’à ses 12 ans, une personnalité se dessiner. Quand elle a 4 ans elle note : "C’est une grande fille solide qu’on prend déjà pour une écolière." On l’observe douée, dotée d’une bonne mémoire, un peu souffreteuse, très optimiste et excellente élève. "Elle comprend tout immédiatement et rattrape sans tarder toute éventuelle lacune."

Cette jeune fille brillante et gaie reste pourtant de marbre à la mort de son grand-père, comme si elle avait déjà intégré la mort de ceux qu’elle aime. "Elle repense à son pépé, parle de lui avec affection et chaleur, mais est-ce qu’il lui manque ? J’en doute." Quelques mois plus tard, son père décède. Elle n’a que 7 ans et dit à sa mère. "Tu sais, maman, ça arrive à beaucoup de femmes." On sait gré à Karin Biro qui a établi cette édition de nous éclairer sur l’exil parisien d’Hannah Arendt, entre 1933 et 1940, sur sa vie, sur ses amours notamment avec le philosophe Günther Anders, avec lequel elle se marie, et sur les manuscrits retrouvés à New York, dont ce curieux conte pour enfants destiné aux adultes : Les sages animaux.

Arendt prend très vite conscience du monde tel qu’il ne va pas. Hans Jonas, Walter Benjamin ou Heinrich Blücher deviennent ses mentors. La politique fait irruption chez elle dans les soirées durant ces sept riches années à Paris. Les premiers émois politiques surviennent avec Kurt Blumenfeld. Il lui parle du sionisme, l’encourage à l’indépendance et lui fait fumer le cigare.

Dans Humanité et terreur, titre d’un discours prononcé en 1953, on retrouve celle qui analyse les totalitarismes. Elle rappelle que la terreur sert de "moyen d’effrayer les gens au point de les amener à la soumission". Dans cette vingtaine de textes, elle ne mâche pas ses mots envers les historiens qui prétendent comprendre l’institution des camps.

Dans l’entretien qui ouvre cette série d’articles, elle explique que la langue est ce qui reste en dernier. C’est pourquoi elle n’a jamais pu exprimer ses idées aussi bien qu’en allemand. Cette langue vit au fond de chacun comme un souvenir enfoui. Comme cette enfance qui fut la sienne et dont nous connaissons désormais un peu mieux les contours. L. L.

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