18 septembre > Roman France

Ça se passe un week-end, dans une de ces librairies de quartier encore nombreuses, un peu partout en France. Un établissement modeste mais de qualité, à l’économie fragile, tenue par un vieux libraire qui a "un bon fonds", mais aussi tendance à la mélancolie, vu l’état de sa trésorerie. On a l’impression de lire un dossier de Livres Hebdo. Il est secondé par une jeune apprentie passionnée, Sarah, mais ne lui laisse guère de latitude.

Dans leurs rayons, cohabitent naturellement les best-sellers, bien en évidence sur une table près de la caisse, et les autres livres, ceux du "Boudoir" : tous ceux qui, depuis des mois, attendent en vain un acquéreur, et sont menacés un jour de l’affreux pilon. Mais justement, ce week-end-là, ils en ont assez, ces livres qui, une fois entre eux, vivent, bougent, volent et s’interpellent. Sous la houlette de quelques meneurs, et contre l’avis d’Académicien, bien sûr, ils décident de se rebeller, de faire leur révolution : réunis en Grand Conseil, ils montent une opération commando, fondent sur la table des best-sellers endormis sur leurs lauriers, et arrachent leurs belles jaquettes attractives et vendeuses, leurs bandeaux accrocheurs, pour se les mettre. Ainsi, ils espèrent attirer l’attention, enfin, du lecteur que chacun mérite.

Le lundi matin, lorsque la maison ouvre, le libraire ne se rend compte de rien, mais quelque chose a changé, et l’a changé. Il décide d’oublier les discours catastrophistes de son fils Aurélien, brillant businessman devenu lobbyiste à Bruxelles pour un grand groupe américain tentaculaire et mégalomane, et de laisser plus d’initiative à Sarah, qui possède un bon jugement littéraire, pour réorganiser l’espace de vente, faire mieux tourner les titres.

Sous la forme d’une fable limpide, drôle et grinçante à la fois, Bertrand Guillot, auteur, entre autres romans, de Hors jeu (Le Dilettante, 2007), a voulu composer une ode au livre, à la lecture et à la librairie. Pari réussi.

Jean-Claude Perrier

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