Poésie/France 14 mars Julien Syrac

Pour une fois, la poésie nourrit son homme, ou, plus exactement, les nourritures terrestres se métamorphosent une fois de plus en poésie. Si l'on en croit ses explications, à la fois allusives et bienvenues, Julien Syrac a décidé de mettre en poème des repas en tête-à-tête avec lui-même, sans doute pris à Berlin, d'où une atmosphère « nordique, grise », un peu fantastique, à la fois Grass et grasse. Et puis cette solitude collante, comme les doigts sur la toile cirée.

De ces expériences alimentaires-on n'ose dire « gastronomiques », on est plutôt dans des snacks, des bouis-bouis, sauf quand on invite une femme, alors là, on va dans un restaurant chic, mais la belle ne se laisse pas séduire si facilement-, Julien Syrac a eu l'idée de tirer ce qu'il appelle une « complainte », en 264 tercets d'hexasyllabes qui ne riment pas régulièrement. La forme ordonne quand même le fond, nourri d'une espèce de rage, de colère, mais contre quoi, hormis sa solitude ? Parfois, on trouve des accents élégiaques, apollinariens : « où aller qu'en mon cœur ?/ ô ma vie, ma bougresse,/ dis-moi quand viendra l'heure ? ». Parfois, on pense à Cyrano de Bergerac. C'est une expérience littéraire originale, réussie, tout à fait hors du temps, d'un jeune poète (Syrac est né en 1989) qui ressemble à un surdoué : déjà auteur de quelques livres, il est aussi dessinateur, et, sous son vrai nom, Julien Lapeyre de Cabanes, traducteur du turc, du suédois, de l'italien et de l'allemand. Vite, à table.

Julien Syrac
Complainte du mangeur solitaire
Gallimard
Tirage: NC
Prix: 9,50 euros ; 64 p.
ISBN: 9782072818837

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