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La réforme des lycées aux 318 manuels

Le lycée général Fénelon, à Paris, spécialisé dans les filières littéraires et scientifiques. - Photo OLIVIER DION

La réforme des lycées aux 318 manuels

D'une ampleur inégalée, la réforme des programmes du lycée qui entre en vigueur le 2 septembre relance l'édition scolaire pour deux ans. Mais le financement incertain de l'achat de manuels dans quelques régions et l'option numérique généralisée dans d'autres modifient les équilibres du marché, dont sont évincés les libraires diffusant les manuels papier.

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Par Hervé Hugueny
Créé le 30.08.2019 à 13h02

Attendue depuis deux ans, la refonte des programmes des lycées préparant au nouveau bac de 2021 entre en vigueur lundi 2 septembre. Son ampleur inégalée a généré pour les éditeurs scolaires une contrainte de temps tout aussi exceptionnelle pour la préparation des nouveaux manuels. « Nous avons réussi un exploit collectif, avec un niveau de qualité maintenu, tout en préparant un passage au numérique significatif », souligne la présidente du groupe des éditeurs d'éducation du Syndicat national de l'édition, Célia Rosentraub, directrice générale d'Hatier (Hachette Livre).

1,3 million d'élèves concernés

La version définitive des programmes des classes de seconde et de première des lycées d'enseignement général et technologique n'a été publiée qu'en janvier, et même en avril pour une partie des filières professionnelles, regrettent les éditeurs concernés. La réforme s'applique cette année à 1,1 million d'élèves dans les filières générales et technologiques et à 240 000 élèves dans les lycées professionnels (seconde pour les bac pro, et première année de CAP).

Les éditeurs scolaires ont néanmoins réussi à publier 318 manuels, et 428 nouveautés au total avec les cahiers d'activités, pochette, travaux pratiques, etc., d'après les données d'Electre data services (1). S'il n'y a pas de comparaison possible avec la précédente réforme de 2010, c'est assurément un record, même par rapport à la réforme du collège en 2016, mise en œuvre aussi dans des circonstances exceptionnelles. Les professeurs de la voie générale ont reçu 197 manuels pour les deux niveaux, dont 45 pour les seules mathématiques, toujours prioritaires même en cas de financement insuffisant, et autant pour le français, au programme des premières épreuves du bac.

Le groupe Hachette publie 107 titres sous ses marques, dont Hachette Education (34), Hatier (24), Foucher (26), Hachette Technique (16) et Didier (7). Editis en a programmé 96 chez Nathan (40), qui revendique une première place à conserver au lycée, Nathan Technique (33), Bordas (19), Le Robert (3) et CLÉ. Magnard (groupe Albin Michel) a édité 38 titres, dont 21 sous sa marque et 15 chez Delagrave (filières technologiques et professionnelles).

Belin Education (Humensis) met 22 ouvrages sur le marché, et Lelivre scolaire.fr, qui se lance à la conquête du lycée, 19. Ce dernier est à la fois le plus récent des éditeurs scolaires et le seul indépendant, hors quelques petits spécialistes des filières professionnelles.

Nouvelles spécialités

En seconde générale, l'enseignement reste organisé autour des neuf matières habituelles, mais tout change en première. A côté du tronc commun de cinq disciplines (français, histoire-géographie, enseignement moral et civique, deux langues vivantes), douze enseignements de spécialités apparaissent, qui ont été intégrés par Electre data services dans sa nomenclature thématique : histoire-géographie géopolitique et sciences politiques ; humanités littérature et philosophie ; langues, littératures et cultures étrangères et régionales ; littérature et langues et cultures de l'Antiquité ; enseignement scientifique ; numérique et sciences informatiques ; physique chimie ; sciences de l'ingénieur ; sciences de la vie et de la Terre (SVT) ; sciences économiques et sociales ; arts ; biologie écologie (uniquement dans les lycées agricoles).

Certains s'assimilent aux disciplines des filières supprimées (S, ES ou L), d'autres sont plus innovants, dans l'objectif de préparer les lycéens à leurs études futures. Mi-juillet, le ministère a publié la répartition de leurs choix pour ces enseignements de spécialités. Les mathématiques ont attiré 188 344 inscrits (64 % des effectifs), la physique chimie 127 973 (43,5 %), les sciences de la vie et de la Terre 124 101 (42,2 %), les sciences économiques et sociales 111 364 (37,9 %). Parmi les spécialités nouvelles, l'histoire-géographie/géopolitique compte 98 349 inscrits (33,4 %), l'anglais/langues, littératures et cultures étrangères 76 401 (26,0 %), les humanités/littérature et philosophie 54 444 (18,5 %), le numérique et les sciences informatiques 24 614 (8,4 %), les sciences de l'ingénieur 19 608 (6,7 %), et les arts plastiques 9 996 (3,4 %). Mais si les éditeurs disposent ainsi des effectifs pour les nouveautés en première, ils devaient encore composer au milieu de l'été avec nombre d'incertitudes concernant le financement des manuels, le lancement des commandes ou encore la proportion entre numérique et papier.

La Région Bretagne n'accordera que 20 euros d'aide par élève (100 euros pour les boursiers), celle du Centre Val de Loire n'avait prévu que 2,8 millions d'euros dans son budget primitif 2019, les deux encourageant les établissements à passer au numérique, synonyme d'économies pour les gestionnaires locaux. En revanche, la Normandie a voté des crédits supplémentaires pour son dispositif d'aide aux familles (9,2 millions d'euros), un des rares maintenus avec celui des Hauts-de-France. La Nouvelle-Aquitaine a consenti un effort particulier (17 millions d'euros) dans un dispositif totalement innovant à l'égard des librairies, tandis qu'Auvergne-Rhône-Alpes a cherché un compromis.

Le numérique plus présent

Surtout, plusieurs Régions prennent une nette option numérique, notamment le Grand Est, l'Occitanie, la Région Sud (ex-Provence-Alpes-Côte d'Azur), ou encore l'Ile-de-France, ces deux collectivités finançant aussi l'équipement matériel des élèves. Pour les éditeurs, ce choix présenterait l'avantage de lisser leur activité (licences annuelles au lieu de ventes papier ponctuelles), mais il favorise la sélection d'un interlocuteur unique en librairie. Forte de son expérience acquise dans le Grand Est, la LDE a ainsi remporté les marchés de l'Ile-de-France et de l'Occitanie. EMLS, autre libraire spécialiste du scolaire qui investit depuis trois ans dans les outils numériques, remporte celui de la Région Sud. Autre grande nouveauté, les Régions Centre Val-de-Loire, Grand Est, Ile-de-France, Nouvelle-Aquitaine et Occitanie vont mettre en service une plateforme commune de ressources numériques pédagogiques. Les treize matières ont été réparties sur appel d'offres entre la LDE, CGI, Maskott, Educlever, Cabrilog et Pearltrees.

 

(1) Département d'Electre SA, société également éditrice de Livres Hebdo.

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