Parmi les thèmes récurrents des romans de la rentrée littéraire 2020, l'actualité, - révoltes sociales, dérèglements climatiques, précarisation... - a inspiré de nombreux romans. Si bien que le futur, proche ou lointain, est souvent sombre et désillusionné, même s'il amène sa cohorte d'utopies ou de fantasmes.
Il y a d'abord l'effarement du constat. Le réchauffement climatique pour commencer. Dans L'île de Jacob (Fayard), Dorothée Janin nous envoie dans un territoire perdu entre Australie et Java, qui subit une crise écologique majeure et de plus en plus rapide. Un adolescent vit lui aussi en accéléré alors que les fourmis rouges détruisent la faune locale. Et puis on lit une société qui s'effondre. Sandra Lucbert, avec Personne ne sort les fusils (Seuil), romance ainsi le procès France Télécom, en s'attaquant à la novlangue managériale, à la logique capitaliste déshumanisante et à la maltraitance des salariés. C'est la banlieue Est de Paris qui s'embrase, mêlant jeunesse désœuvrée, policiers et politiques dans Arène de Négar Djavadi (Liana Levi). La haine est aussi du côté des classes moyennes dans Radical de Tom Connan (Albin Michel) qui, à travers ue passion charnelle et toxique, décrypte l'appauvrissement des classes moyennes dans un pays dirigé par une caste arrogante. Cette précarité chez les jeunes, on la retrouve dans Les nuits d'été de Thomas Flahaut (L'Olivier), qui explore le monde ouvrier et néo-rural alors ques les idéologies s'effondrent.
Pierre Ducrozet- Photo JEAN-LUC BERTINI Il y a ensuite l'anticipation d'un monde différent. Pas si lointain avec Pierre Ducrozet et Le grand vertige (Actes sud) qui raconte la création d'un réseau indépendant constituté de personnalités iconoclastes pour établir un nouveau contrat avec la nature et résister aux changements climatiques. Le climat est partout. Christophe Carpentier, avec Cela aussi sera réinventé (Au diable vauvert), décrit un monde où il est transformé et la surface de la Terre déformée, entraînant l'affrontement de militaires de l'OTAN, de groupuscules sauvages et de Nomades décontextualisés. Avec son roman d'anticipation sur la dégradation du monde, 2030 (Flammarion), Philippe Djian décrit les dilemmes d'un homme dans une société en mutation et en pleine urgence écologique.
Michèle Cotta et Tobert Namias nous transportent dans cinq ans, avec Le brun et le rouge (Robert Laffont), où la France est présidée par l'extrême droite pour devenir un régime policier et répressif. Pas plus d'espoir avec Thomas Sands et son roman L'un des tiens (Les Arènes), qui se déroule dans un France postapocalyptique, où le peuple est rongé par la peur et les épidémies. Climat et guerres se confrontent dans La grâce et les ténèbres d'Ann Scott (Calmann-Lévy), où la cybersurveillance envahit le quotidien du héros.
Ling Ma- Photo ANJALI PINTO/MERCURE DE FRANCEIl y a enfin l'illusion, l'extinction ou le rêve d'une société transformée. Thomas Vinau avec Fin de saison (Gallimard) a choisi comme personnage un survivaliste qui se retrouve enfermé dans sa cave pendant la fin du monde, avec pour compagnie un chien et un lapin. De quoi se poser de nombreuses questions. L'animal est aussi présent dans Des rêves à tenir de Nicolas Deleau (Grasset) puisque des utopistes se rassemblent régulièrement dans le bar d'un petit village de pêche pour sauver l'humanité grâce à la sauvegarde des langoustes. L'extinction de l'humanité est déjà réalisée dans Le sanctuaire de Laurine Roux (Le Sonneur) où une famille lutte pour sa survie en exterminant les oiseaux à l'origine de l'apocalypse. L'animal est une obsession puisque dans Les métamorphoses (Alma), Camille Brunel démarre son récit avec une épidémie qui transforme les humains en animaux et les civilisations en monde sauvage.
Coïncidence temporelle, les épidémies inspirent. Dans le premier roman de l'américaine Ling Ma, Les enfiévrés (Mercure de France), écrit il y a deux ans (et traduit par Juliette Bourdin), c'est une fièvre chinoise qui s'abat sur New York: les malades semblent condamnés à répéter les mêmes gestes jusqu'à mourir d'épuisement. La pandémie est aussi à la racine du récit de Xabi Molia, Des jours sauvages (Seuil). Il raconte comment une grippe ravangeant l'Europe conduit une centaine de personnes à réinventer le monde sur une île inconnue...
En espérant qu'il soit meilleur que celui décrit dans tous ces romans de la rentrée.
Avec la parution du Couteau, Salman Rushdie entend tourner la page de l’agression qui a failli lui coûter la vie, le 12 août 2022, à Chautauqua, dans l’État de New York. Mais son livre n’est pas seulement le récit factuel de l’attentat, de sa survie puis de sa résurrection, et certainement pas un règlement de comptes. Plutôt une catharsis, une ode à la littérature, à la liberté de penser et d’écrire, et, dit-il, « une histoire d’amour » dédiée à ses proches : sa femme Eliza, ses fils Zafar et Milan, sa sœur Sameen. C’est aussi un texte plein d’humour, comme son auteur. De passage à Paris pour la promotion de son livre, c’est, malgré la haute protection policière dont il est entouré, un Salman Rushdie détendu, très en forme, heureux d’être de retour en France, qui a répondu avec spontanéité aux questions de Livres Hebdo.
Avec le Chevalier aux épines, trilogie publiée en un an aux Moutons électriques et encensée par les lecteurs, Jean-Philippe Jaworski a signé son grand retour dans l’univers du « Vieux Royaume ». Alors que le premier tome de la saga, Le tournoi des preux, vient de paraître en poche chez Folio Fantasy avec un tirage de 20 000 exemplaires, l’auteur nancéien s’est confié à Livres Hebdo.
Par
Charles Knappek
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