La belle époque de la Côte d’Azur fait désormais partie du passé : les bouchons sur les plages municipales, les paparazzi de Croisette et les vieilles dames peroxydées ont remplacé les frasques des artistes à succès qui, les premiers, vinrent apprécier les horizons d’azur et le chant des cigales. Parmi eux, l’écrivain britannique W. Somerset Maugham, dont le succès littéraire n’avait d’égal que la réputation sulfureuse. C’est à lui en priorité que donne la parole ce roman graphique proposé par Floc’h et Rivière, retrouvant une Grande-Bretagne plus pacifiée et plus artistique que celle qu’ils avaient mise en scène dans leur trilogie Blitz. L’écrivain prolifique, vieil homme bègue empli de souvenirs amoureux, contemple sa vie depuis son crépuscule, dans l’immense Villa mauresque, entre Nice et Monte-Carlo, où il passa trente ans. De ses souvenirs d’enfance à ses aventures amoureuses scandaleuses, de ses admirations littéraires, pour Dickens ou pour Maupassant, à ses coups de griffe perfides contre des écrivains contemporains, sa voix se fait entendre, alternant avec celle de son entourage. Les illustrations en ligne claire de Floc’h, pleines d’humour et de sensibilité, suivent le principe du roman graphique : plutôt que d’être un moyen de raconter l’histoire, c’est une certaine ambiance qui y est rendue, mélancolique ou burlesque, toile de fond des intrigues de l’écrivain. L’écriture de Rivière, toujours légère et élégante, est dépouillée au maximum, quitte à provoquer des transitions rapides d’un épisode à l’autre, et du présent au passé. L’ensemble livre un bel aperçu d’un auteur un peu oublié, pourtant typique d’un certain XXe siècle.
Fanny Taillandier
La Table ronde en profite pour rééditer en « Petite vermillon » deux titres de Maugham, Il suffit d’une nuit et Le grand écrivain, dont il est question dans ce roman graphique.
