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L'affaire Klasen. Ou du conflit entre droit d'auteur et liberté d'expression

L'affaire Klasen. Ou du conflit entre droit d'auteur et liberté d'expression

Le litige met aux prises l’artiste Peter Klasen et un photographe dont il a utilisé trois clichés pour réaliser des tableaux sans autorisation. Contrefaçon? Droit au "remix"?

Le droit d’auteur est, encore et toujours, remis en cause, au motif qu’il s’opposerait à la liberté de création, et donc à la liberté d’expression.

La Convention européenne a ainsi été invoquée à plusieurs reprises ces dernières années pour combattre un droit d’auteur considéré comme attentatoire à la liberté d’expression.

La Cour d’appel de Versailles, vient, le 16 mars, de statuer dans une affaire qui défraye la chronique judicaire depuis plusieurs années, et à l’occasion de laquelle s’affrontent les tenants des deux positions, celle de la liberté absolue et celle d’une limitation justifiée par la nécessité de conserver un « salaire » à l’auteur.

Le litige met aux prises l’artiste allemand Peter Klasen et un photographe dont il a utilisé trois clichés pour réaliser des tableaux. Aucune autorisation n’ayant été demandée, le photographe avait assigné en contrefaçon.

Et la première Cour d’appel saisie de ce dossier avait suivi la pente naturelle de la jurisprudence et condamné le peintre à 50000 euros de dommages-intérêts « en réparation du préjudice résultant des atteintes portées » à ses « droits patrimoniaux » et à son « droit moral d'auteur ».
        
Le plasticien a alors formé un pourvoi en cassation, qui s’appuyait sur différents moyens. Parmi ceux-ci, il avançait que « les limitations à l'exercice de la liberté d'expression, qui englobe la liberté d'expression artistique, ne sont admises qu'à la condition qu'elles soient proportionnées au but légitime poursuivi, c'est-à-dire rendues nécessaires dans une société démocratique par un besoin social impérieux, (…) la proportionnalité doit être appréciée in concreto en tenant compte, notamment, de la nature du message en cause et de l'étendue de l'atteinte porté au droit concurrent ».

Selon lui, « la démarche artistique visait à susciter une réflexion d'ordre social », pouvant primer sur des « photographies de mode ». Il ajoutait que « le juge ne peut statuer par voie d'affirmation générale ». Or, « la Cour d'appel s'est bornée à affirmer, de manière péremptoire, que les droits sur les oeuvres arguées de contrefaçon ne pouvaient, « faute d'intérêt supérieur », l'emporter sur ceux des oeuvres dont celles-ci étaient dérivées (…) sans nullement justifier son affirmation ».

Une conclusion plutôt inédite en droit français
        
Les hauts magistrats ont fini par estimer, le 15 mai 2015, pour casser l’arrêt de la cour d’appel, que celui-ci « retient que les droits sur des oeuvres arguées de contrefaçon ne sauraient, faute d'intérêt supérieur, l'emporter sur ceux des oeuvres dont celles-ci sont dérivées, sauf à méconnaître le droit à la protection des droits d'autrui en matière de création artistique ». Et « qu'en se déterminant ainsi, sans expliquer de façon concrète en quoi la recherche d'un juste équilibre entre les droits en présence commandait la condamnation qu'elle prononçait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé. »

Cette décision de la Cour de cassation prenait donc la forme d‘une conclusion plutôt inédite en droit français, dans un arrêt en date du 15 mai 2015.

On attendait donc, avec attention et inquiétude, la position des juges du saisis du renvoi en appel, après cassation, de l’affaire Klasen.

Ceux-ci confortent la tradition jurisprudentielle, et condamnent à nouveau Peter Klasen pour contrefaçon, et à indemniser l’autre auteur à l’aune de 50000 euros.

Certains spécialistes s’étaient déjà surtout émus d’une décision du Tribunal de grande instance de Paris rendue le 23 février 1999, dans une affaire où s’opposaient France 2 et un héritiers d’Utrillo - et qui avait été portée elle-aussi en cassation pour aboutir à un résultat inverse.

Les magistrats de première instance avaient retenu le raisonnement de la chaîne, qui invoquait la Convention européenne, en concluant qu’« un reportage représentant une œuvre d’un artiste uniquement diffusé dans un journal télévisé, de courte durée, ne porte pas atteinte aux droits de propriété intellectuelle d’autrui puisqu’il sera justifié par le droit du téléspectateur à être informé rapidement et de manière appropriée d’un événement culturel constituant une actualité immédiate en relation avec l’œuvre de son auteur ».
 
 
 
 
 

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