1ER JUIN - RÉCIT DE VOYAGE Etats-Unis

John Hopkins- Photo DR/QUAI VOLTAIRE

En 1961, sitôt empoché son diplôme de sciences politiques à Princeton, New Jersey, le jeune John, 23 ans, qui n'a rien de l'Américain lambda, décide de quitter son cocon familial - mère aimante, beau-père millionnaire et sympa - pour parcourir le monde. Il entraîne dans son aventure son aîné et mentor, Joe, un poète originaire du Deep South, l'Alabama, qui s'est fixé pour mission d'initier son ami aux chefs-d'oeuvre de la littérature. Après avoir tenté de créer une plantation de café au Pérou, les garçons décident d'accepter une invitation au Kenya, lancée par un certain Sam Small. Un type bizarre : Américain ayant servi dans l'armée anglaise, grand propriétaire terrien, espion ? Mais l'occasion est trop belle de fuir un pays où rien ne les retient, surtout depuis le divorce des parents de John.

Les voilà en Europe. Ils passent un agréable séjour en Italie. John apprend la langue. Puis ils se rendent à Munich, afin d'acquérir une moto, une magnifique BMW R 50 blanche de 500 cm3, qui sera leur Bucéphale. Etant donné sa couleur et leur périple, ils la baptisent "le Nil Blanc". Afrique, nous voilà ! Ils débarquent en Tunisie, en pleine affaire de Bizerte, se baladent jusqu'à Djerba où vivait encore une communauté juive. Puis ils passent en Libye, en fraude, subissent l'épreuve du désert jusqu'à Tobrouk et El-Alamein, lieux de guerrière mémoire. Vient ensuite l'Egypte de Nasser, le Soudan déjà déchiré entre le Nord "blanc" musulman et le Sud "noir" chrétien, luttant pour la possession du pétrole. A Kosti, ils voient le Nil Blanc, le vrai. Les voici en Ouganda, sous des trombes d'eau tropicales, naviguant sur un ferry cacochyme. Pour lutter contre ce qu'il appelle la "monose », John tient son journal, à la manière de Gide. Outre l'auteur du Voyage au Congo, il lit La montagne magique de Thomas Mann, Hermann Hesse (Siddharta), L'homme révolté de Camus ou encore Hérodote, père de tous les voyageurs. Joe, lui, écrit des poèmes, entre deux maladies : il finira à l'hôpital de Nairobi avec une double pneumonie !

En effet, au bout d'un périple de 9 500 kilomètres, les globe-trotters sont enfin parvenus au Kenya, chez leur hôte, à l'Impala Farm. Ils y subissent la plus cruelle des déceptions : Small est un alcoolique paranoïaque qui ne s'occupe pas d'eux, ne leur montre rien de la nature alentour, et disparaît même totalement. Heureusement, Will Powys, frère du poète gallois John Cooper, prend le relais et leur explique la situation du pays : Jomo Kenyatta vient d'en prendre les rênes, et le conduira à l'indépendance en 1963. Un peu désappointés, les garçons reprennent le chemin de la vieille Europe, atterrissant à Paris sans savoir ce qu'ils vont faire. Rentrer au pays semble la seule solution. Quand survient un miracle : on propose à John un travail de professeur à Tanger. Il passera dix-sept ans au Maroc. Joe, toute sa vie.

Carnets du Nil Blanc est le livre d'un esprit ouvert sur le monde et féru de géopolitique. Dans un style vif, John Hopkins nous fait partager ses aventures, son admiration pour les pays visités, son respect pour les populations. Résolument anticolonialiste, c'est un amoureux de ce qu'on appelait alors "le tiers-monde", en train de conquérir sa liberté.

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