8 avril > Roman France

Vers la fin des années 1970, les murs de New York sont couverts de graffitis, certains sont signés "SAMO" (prononcez à l’anglaise : same-oh), acronyme de Same old shit, "foutage de gueule". Derrière le pseudonyme, deux street artists, Jean-Michel Basquiat et son ami Al Diaz. Et puis, un jour de 1979, on lit "SAMO is dead", "SAMO est mort". Fin du projet des grapheurs mais pas de la "marche héroïque" du premier. L’artiste haïtien né à Brooklyn n’a pas 20 ans et n’a pas le choix : être un héros, explique-t-il, "parce que l’Histoire m’y oblige, il n’y a aucune sortie prévue pour un nègre de mon espèce, esclave ou héros, mort ou héros, rien d’autre". Premier titre en fiction de la nouvelle collection de Charles Dantzig "Le courage" chez Grasset, Eroica de Pierre Ducrozet retrace la carrière d’étoile filante de Jean-Michel Basquiat. "Jay" est l’un de ceux qui en réinjectant l’énergie de la rue et de la vie - graffitis et matières de récupération - renouvelèrent la peinture américaine des eighties. Œuvre indissociable d’une existence brûlée par les deux bouts : il meurt d’une overdose à l’âge de 27 ans. Ce fils d’Haïtien émigré à New York fugue adolescent, se retrouvant à dormir dans les parcs, puis squatte à nouveau à droite et à gauche après avoir abandonné le lycée, rencontre la collectionneuse et galeriste Annina Nosei qui lui offre un atelier dans sa cave à SoHo et organise sa première exposition, ose approcher le pape du pop art Warhol qu’il séduit… Le romanesque de la biographie corrobore la fulgurance de la palette, ici ressuscitée avec une folle scansion sauvage. L’ange punk a gagné son pari : "Plus tard, si tout se déroule comme prévu, ils rachèteront au centuple cette ardeur qu’ils n’eurent pas. Alors que l’enfant prodige pourrira lentement sous la terre, ses toiles trôneront dans leur salon. Toi enfin tout os et vers grouillants mais ton génie - "je vous le disais" - en bonne place."S. J. R.

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