11 septembre > Roman France

Au temps de ses études, Thomas Arville était une star, un génie. Il avait opté pour la topologie, "branche des mathématiques qui étudie dans l’espace réel les propriétés liées au concept de voisinage et invariantes dans les déformations continues". Le must dans la discipline, sous-tendu par une certaine pureté. Ce pourquoi, sans doute, au lieu de suivre la voie royale toute tracée d’avance, il a bifurqué.

Emmanuel Arnaud - Photo PHILIPPE MATSAS/MÉTAILIÉ

Normale sup plutôt que Polytechnique, puis un séjour au Japon où il rencontre une jeune femme, Ayako, peu de temps avant Fukushima. Plus par dévouement que par amour, il l’épouse, puis refuse d’être rapatrié en France quand survient la catastrophe. Le couple rentrera en son temps. Mais, Ayako ne parlant pas français, terrorisée par son pays d’adoption, c’est Thomas qui va assumer les frais du ménage. Agrégé, il se fait nommer prof de maths dans un collège-lycée de Goussainville, gagnant juste de quoi payer le loyer d’un deux-pièces du 19e arrondissement, et vivre modestement. Le couple se referme sur lui-même, tandis que Thomas nourrit de plus en plus de frustrations par rapport à son brillant avenir gâché. C’est une brève liaison avec une autre Japonaise qui va faire éclater le drame, et l’histoire revenir à la "normale".

Cette histoire, Thomas Arville la raconte lui-même à Laurent Kropst, le héros du précédent roman d’Emmanuel Arnaud, Le théorème de Kropst (Métailié, 2012). Plus jeune que lui, Laurent est également un matheux qui a suivi le même cursus, et pour qui son aîné était un mythe. Aussi, le retrouver, et le côtoyer sur les bancs de la même école, est pour lui une surprise et un honneur.

Grosse tête lui-même, on sent qu’Emmanuel Arnaud connaît bien le micromilieu qu’il dépeint. Peut-être même a-t-il glissé dans son roman quelques éléments autobiographiques. Toujours est-il que, le livre lu avec plaisir, on ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine perplexité : l’auteur a-t-il voulu écrire un roman d’éducation particulière, une satire sociale, dresser un constat désabusé du malaise des élites dans notre société, ou tout cela à la fois ? Même la fin, où tout rentre dans "l’ordre", ne nous rassure guère. J.-C. P.

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