14 janvier > Essai France

Avec Amants d’Apollon, Dominique Fernandez achève "un triptyque dont le titre général serait L’homosexualité dans la culture §". Le premier volet, Le rapt de Ganymède (Grasset, 1989), amorçait sa réflexion générale, le deuxième, L’amour qui ose dire son nom (Stock, 2001), était consacré aux beaux-arts de l’Antiquité à nos jours. Celui-ci est plus global, même si centré essentiellement sur la littérature.

Après avoir rappelé quelques éléments d’histoire sur la prise en compte de l’homosexualité par notre société, l’écrivain revisite quelques mythes fondateurs de l’Antiquité grecque, comme celui d’Orphée et de Narcisse, qui ont nourri l’imaginaire de nombre de créateurs, et pas seulement gays. Au passage, il fustige la tartuferie ou la malveillance de quelques traducteurs, qui n’hésitent pas à travestir les intentions d’un Virgile, par exemple, en féminisant Alexis, aimé de Corydon, en Climène ! Il y a aussi ceux qui se taillent une place de choix dans le "sottisier homophobe §", comme Marcel Pagnol qui, à propos de Proust et de Gide, écrit : "Ce furent deux grands succès littéraires qui permirent à l’armée des gitons et des pédérastes de parler presque ouvertement de leurs amours." On appréciera le vocabulaire, et le "presque".

Fernandez, ensuite, se livre à une relecture "ciblée" et souvent éclairante de quelques classiques : Armance de Stendhal, par exemple, où il explique que le "problème" d’Octave avec les femmes ne serait pas l’impuissance, mais son goût pour les garçons. Puis, il passe à la partie la plus importante du livre, celle consacrée aux "phares", c’est-à-dire, pour la plupart, aux écrivains homosexuels, depuis le XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, soit d’Oscar Wilde à Edouard Louis. On y apprend ainsi, entre autres, que le premier roman gay en France fut Monsieur Auguste de Joseph Méry, en 1859. Entrent ensuite, dans ce panthéon, quelques illustres, Cocteau, Gide (souvent salué), Proust, Lorca ou Pasolini. Mais aussi quelques oubliés, comme Georges Eekhoud, le romancier des "canailles sublimées".

Comme toujours, Dominique Fernandez a l’érudition aussi vaste qu’aimable, et Amants d’Apollon est un ouvrage à la fois utile et salutaire, en ces temps de retour à "l’ordre moral". On regrettera seulement qu’il n’ait pas consacré une longue étude à Genet, Proust ou Gide, traité seulement dans sa relation avec Marc Allégret. Et un peu vite : lors du fameux voyage au Congo avec Gide, Marc avait 25 ans, et ce n’étaient pas des "vacances". J.-C. P.

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