La baisse de la lecture de livres est encore d'actualité après la dernière enquête sur les pratiques culturelles des Français. Le monde du livre est habitué à se désoler de cette érosion. L'enquête de 1988 avait déjà en son temps suscité une profonde déception chez les représentants de ce monde après une décennie marquée par la loi sur le prix unique et le développement des bibliothèques publiques. A l'époque, la télévision était montrée du doigt, soupçonnée qu'elle était de concurrencer le livre. Aujourd'hui, les écrans (ordinateurs, téléphones, consoles de jeux notamment) sont désignés comme les concurrents auxquels le livre est confronté. Ils sont encore plus menaçant car capables de fournir une information d'une nature et d'une qualité très proche de celle des livres. Mais cette fois, le monde du livre tient son arme susceptible de le sauver : le livre numérique. Bien sûr, la technologie n'est pas arrêtée (Sony, Kindle, etc.). Bien sûr, son développement remettrait en cause profondément la chaîne du livre (quelle place  pour les libraires ? quel modèle économique pour les éditeurs ? que resterait-il des bibliothèques ?). Malgré les profondes angoisses que ce livre sans papier peut susciter, il rassure  parce qu'il conserve sa singularité. Il ne dissout pas le livre dans la multitude brouillonne du numérique. Tout électronique qu'il soit, il s'agit toujours d'un livre (on conserve d'ailleurs son nom !). Il continue à fédérer les acteurs traditionnels de la lecture de livre en permettant de maintenir une frontière entre le monde du livre et le reste du monde. Un des enjeux du livre numérique se situe dans le maintien de cette frontière. Bien sûr, ces considérations interprofessionnelles échappent à peu près complètement à nos contemporains lecteurs. Le récent sondage Ipsos pour Livres Hebdo sur les 18-30 ans révélait que deux tiers perçoivent le livre comme un produit comme un autre. Joignant le geste à la parole, ils sont nombreux à acheter leurs livres en grande surface ou par Internet (un tiers des acheteurs) comme ils font d'autres achats. La manière dont ils s'approprient le téléphone portable en cumulant des fonctionnalités (téléphone, lecteur MP3, Internet, appareil photo, etc.) alimente les doutes que l'on peut avoir : il est loin d'être sûr qu'ils feront l'acquisition d'un objet réduit à la seule fonction de livre (même s'il peut rassembler plusieurs titres). Au contraire, des expériences suggèrent qu'ils seraient enclins à intégrer des contenus relevant de la lecture (notamment de BD) sur leur smartphone. Le contenu prime sur le support pour nombre de nos contemporains désormais. L'avenir reste ouvert. On peut imaginer un scénario dans lequel le livre numérique se développe mais uniquement auprès de la fraction à la fois la plus férue de lecture de livres et de nouvelles technologies. Le reste de la population se partageant entre lecture numérique et lecture papier.
15.10 2013

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