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Lectures d'été : et la lumière fut !

Lecture dans le jardin. - Photo Olivier Dion

Lectures d'été : et la lumière fut !

Plus que jamais, le besoin de légèreté se fait ressentir dans la programmation estivale des éditeurs. Pour autant, la crise est venue bousculer les calendriers, et empêcher les événements habituels autour des sorties. Tandis que certains resserrent leur programmation autour des auteurs les plus installés, d'autres inventent de nouveaux moyens de valoriser leurs parutions.

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Par Maïa Courtois
Créé le 21.06.2021 à 11h33

Il arrive que la fiction dépasse la réalité. Dans Viendra le temps du feu, dystopie de Wendy Delorme parue en mars chez Cambourakis, un couvre-feu est instauré. Le roman d'anticipation avait été validé par la maison avant les restrictions actuelles. « Quand on l'a envoyé aux libraires, on a eu des retours nous disant que c'était trop anxiogène pour les lecteurs, se souvient Mélissa Blanchard, responsable de la communication de Cambourakis. Pourtant, ils y ont sans doute vu une note d'espoir : nous en sommes au troisième tirage ! »

À l'approche de l'été, les éditeurs et libraires constatent une double attente : s'échapper d'un contexte de crise qui n'en finit plus ; tout en apprenant à l'apprivoiser. « D'un côté, il y a les gens qui ont besoin de comprendre le monde qui les entoure, avec des livres de décryptage. De l'autre, il y a ceux qui ont besoin de romans d'évasion très lumineux », observe Véronique Cardi, présidente de JC Lattès. Le 19 mai, la maison a publié le premier roman d'Oxmo Puccino, Les réveilleurs de soleil. Un roman « aux allures de conte », décrit Véronique Cardi, pour traiter de la crise écologique au travers de l'engagement de la jeunesse. Un concentré des tendances paradoxales de l'été : si le thème est grave et plus actuel que jamais, « on ne peut pas faire plus lumineux » pour le format et le titre.

Voyager par l'imaginaire

« Cette année, la demande de romans feel good est particulièrement forte », expose Ambre Rouvière, responsable du pôle littérature chez Prisma. Dans Un été à Tiffany, de Karen Swan, programmé le 8 juillet, il sera question de romantisme, et de reprise en main de son destin. L'ouvrage fait suite à Un Noël à Tiffany, vendu à 4 000 exemplaires malgré une parution durant le confinement de novembre. Nombre d'éditeurs misent plus que jamais sur cette gamme. L'Archipel a inauguré le 20 mai une collection feel good, « Instants suspendus », avec un roman par mois aux couvertures acidulés. « En ces temps particuliers, voyager par l'imaginaire n'a jamais été si nécessaire », explique Virginie Fuertes, l'éditrice. Ainsi Si la vie te donne des citrons, fais-en une tarte meringuée, de Charlotte Léman paru le 20 mai sera suivi, le 10 juin, de Quand les hasards sont des rendez-vous par Magali Discours.

Le besoin d'évasion est prégnant. 10/18, pour son Mag présentant ses parutions de mai à juillet, invite à « barouder depuis [son] canapé » mettant à l'honneur l'éditeur polynésien Au vent des îles avec la parution le 20 mai de L'arbre à pain et Frangipanier, le quotidien d'une famille tahitienne par Célestine Hitiura Vaite mais aussi L'échappée belle du bibliobus de David Whitehouse (17 juin) ou Queue de poisson de Carl Hiaasen (1er juillet). Haute Saison d'Adèle Bréau, paru en mai chez JC Lattès, emmène les lecteurs sous le soleil de la côte basque, dans un club de vacances. Camille Lesur, lauréate du Prix Bien-être 2020, revient avec son second roman Les portes du paradis sont fermées le lundi, à paraître en juin chez Jouvence. Au cours d'un séjour aux Canaries, le personnage principal apprendra à se remettre d'un divorce et à choisir la vie qui la rendra heureuse. De nouvelles collections s'inscrivent dans cette veine. J'ai Lu lance le 19 mai « les grandes latitudes », où il réédite des livres autour de l'aventure et de l'exploration, avec des auteurs comme Sylvain Tesson ou Bernard Moitessier. « Au seuil de l'été, cette collection répond à l'envie viscérale de s'échapper, ressentie de manière toujours plus vive au fil des confinements » décrit la directrice Hélène Fiamma.

Pour répondre à cette demande et atteindre un large public, « nous capitalisons sur des auteurs qui ont une certaine renommée », observe Ambre Rouvière. Le nouveau roman de Jenny Colgan, auteure best-seller de Prisma, paraît le 3 juin. La charmante librairie des flots tranquille constitue la suite d'un premier tome vendu à 17 000 exemplaires en six mois. Plon, éditeur de Raphaëlle Giordano, vient de publier une intrigue pâtissière, Le sourire contagieux des croissants au beurre, signée sous pseudo Camille Andrea. Du côté du Livre de Poche, les valeurs sûres seront remises en avant : Katherine Pancol, Mélissa Da Costa, Virginie Grimaldi...

 

Surtout, cet été marque les dix ans du phénomène planétaire Cinquante nuances de Grey d'E.L James. More Grey, à paraître le 16 juin chez JC Lattès, viendra clore définitivement la saga. Ultime titre d'une réécriture, du point de vue du personnage masculin, de la trilogie initiale, « ce sera une sortie événement, avec un tirage à 150 000 exemplaires », précise Véronique Cardi. Enfin, Albin Michel poussera pour l'été le polar de Pierre Lemaitre, qui a par ailleurs annoncé qu'il publierait sa prochaine saga romanesque chez Calmann-Lévy. Paru en mai, Le serpent majuscule, que Gilles Haéri, directeur général d'Albin Michel, qualifie de « petit bijou » est « tout sauf un "feel-good" ». Mettant à distance cette étiquette, devenue trop « fourre-tout », il préfère programmer pour l'été des titres « très variés, empruntant à tous les genres ».

Les enseignements de la crise

Comme l'été dernier, les restrictions liées à la crise sanitaire sont venues bousculer le calendrier. Chez Albin Michel, une centaine de titres sur les 400 nouveautés de 2020 ont vu la parution décalée à 2021. « Cela nous a obligés à une programmation très dense ce premier semestre, en étalant nos lancements jusqu'à l'été » pointe Gilles Haéri. Initialement prévu pour l'automne 2020, La plus-que-vraie d'Alexandre Jardin, témoignant de « son grand retour au roman d'amour », sera lancé le 2 juin. Pour le directeur général, le constat que « la période estivale peut aussi être très propice à certains lancements sera un enseignement intéressant de cette crise. » Parmi les autres apprentissages : le succès des œuvres en plusieurs volumes. « Dès les premières menaces de reconfinement, nous avons observé une tendance à vouloir acheter des intégrales », note Olga Philonenko, responsable polar au sein de la librairie Kléber, à Strasbourg. La libraire mentionne la parution chez Omnibus, courant mai, de l'intégrale en plusieurs volumes de Jalna : la saga des whiteoak, par Mazo de la Roche : une fresque familiale vendue à plus de 11 millions d'exemplaires depuis sa parution dans les années 1930.

Les aléas du calendrier, le poids des gros auteurs et cette appétence pour les séries participent à un resserrement de la production. Il a fallu arbitrer pour que « les livres dont la sortie a déjà été reportée ne souffrent pas, en plus, d'une surproduction au printemps », évoque Louise Danou, directrice littéraire chez Flammarion. L'éditrice a décidé de jouer sur des temporalités plus longues. Les jardins de Zagarand d'Eric de Kermel a été publié dès mars : bien que l'auteur ait déjà sa notoriété, « nous avons voulu laisser le temps du bouche-à-oreille » pour une montée en puissance jusqu'à l'été. En mai, la maison s'est concentrée sur Un amour retrouvé, de Véronique de Bure, tiré à 35 000 exemplaires. Son dernier roman, Un clafoutis aux tomates cerises, avait été un best-seller surprise avec près de 130 000 exemplaires vendus pour son édition poche chez J'ai lu.

« Ne plus être dans une course en avant était déjà un objectif présent dans nos esprits avant la crise sanitaire. Mais cela s'est accéléré depuis : la crise nous a poussés à le faire » explique Hélène Pasquet, directrice éditoriale fiction et BD chez Bayard, qui elle aussi à travailler particulièrement les lectures de l'été cette année (voir encadré). Un credo qu'elle résume ainsi : « avoir moins de production, mais mieux la défendre ».

Couvertures "vitaminées", salons en ligne et vidéos

Mais comment « mieux défendre » ses auteurs, quand la tenue des manifestations culturelles demeure plus qu'incertaine ? Les éditeurs déploient plusieurs stratégies pour valoriser leurs sorties. D'abord, les couvertures joyeuses. Chez JC Lattès, les romans d'Adèle Bréau et d'Oxmo Puccino arborent des couleurs vives : « on ne peut pas faire plus vitaminé, sourit Véronique Cardi. Les couvertures, cet été, seront des rayons de soleil sur les tables des libraires ».

Nombre d'éditeurs maintiennent leurs opérations promotionnelles. La librairie ambulante du Livre de Poche, « Le camion qui livre », marquera dix étapes, du Touquet à la Corse, du 8 juillet au 15 août. Du côté de J'ai Lu, en plus de l'opération d'été reconduite chaque année, les lecteurs se verront proposer « Le bonheur est dans les livres ». Cette offre, remplaçant l'ancienne opération « feel good » - un terme qu'Hélène Fiamma met elle aussi à distance -, tournera autour du thé, le fil rouge de l'année. Enfin, Jouvence prépare des défis sportifs et des tee-shirts de running pour un lancement original, en août, du roman Et la vie reprit à petites foulées qui mettra « la sororité et l'univers de la course à pied à l'honneur » décrit la directrice éditoriale Charlène Guinoiseau-Ferré.

Pour le reste, les événements en ligne fleurissent. Du côté de Prisma, on prépare « des e-events autour de conférences ou de rencontres avec des auteurs », jusqu'à la rentrée de septembre, glisse Ambre Rouvière. Il a aussi été demandé aux auteurs de réaliser des vidéos de présentation à destination des réseaux sociaux et des libraires. Ces nouvelles façons d'événementialiser les sorties pourraient s'inscrire dans le long terme, « en mixant les streamings, les présentations en vidéo, avec la tenue de grands salons » songe la responsable éditoriale.

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