Quelque 400 personnes ont assisté mardi 8 juillet aux Assises du livre numérique organisées par le Syndicat national de l'édition (SNE), dans le cadre d'une réflexion plus générale sur l'économie numérique conduite par le secrétariat d'Etat à la prospective.
Dans un programme très dense mais néanmoins tenu, qui a vu se succéder à la tribune vingt quatre intervenants, les principaux sujets ont été abordés : les expériences en cours, les terminaux de lecture disponibles, les questions juridiques et économiques, la place des libraires, le tout introduit par Eric Besson, Secrétaire d'Etat à la prospective et au développement de l'économie numérique et Serge Eyrolles, président du SNE. Bruno Patino, président-directeur général de Télérama et président du Monde interactif, a planté le décor en présentant les principales pistes de réflexion du rapport fraîchement terminé de la commission sur le livre numérique, qu'il a conduite pendant deux mois.
Une centaine d'éditeurs sur Gallica 2
Arnaud Beaufort, directeur général adjoint de la Bibliothèque Nationale de France a précisé qu'une centaine d'éditeurs avaient rejoint Gallica 2, la plate-forme numérique qui contient des oeuvres du fonds patrimonial de la BNF, et pour le moment 4420 livres sous droit, soit 20% de plus qu'en janvier dernier, lorsque le projet avait été présenté au même endroit. C'est encore très insuffisant s'inquiète Marc-André Wagner, secrétaire général du Centre national du livre qui finance cette entreprise, et s'étonne que les éditeurs n'utilisent pas plus les subventions mises à leur disposition. L'offre de livres numérisés disponibles à la vente n'en est en effet qu'à ses débuts, et se trouve encore pauvre en littérature générale, avec moins de 2 000 titres contemporains consultables dans un format pratique.
En Allemagne, le projet Libreka conduit par le Börsenverein, groupement des professionnels du livre d'outre-Rhin, dispose de 45 000 livres numérisés et prévoit de doubler ce stock d'ici à fin de l'année souligne Ronald Schield, responsable de cette base pour le moment destinée à la promotion.
En France, Electre (dont fait partie Livres Hebdo) démarre aussi une plate-forme de numérisation qui servira dans un premier temps à la promotion en librairie, permettant le feuilletage électronique des ouvrages qui y figurent, a indiqué Alain Gründ, directeur général de l'entreprise contrôlée par le Cercle de la librairie, qui regroupe les professionnels du livre.
Le Kindle d'Amazon et le Reader de Sony devraient arriver
L'offre de terminaux de lecture, actuellement encore rare, et limitée pour l'essentiel à Bookeen et iRex en France, devrait s'étoffer dans les prochains mois avec l'arrivée annoncée du Kindle d'Amazon et du Reader de Sony (toutefois non confirmée officiellement par les intéressés), et l'extension d'expériences conduites par des opérateurs de téléphonie. Stephan Jost, de la direction des contenus d'Orange France Télécom, qui teste actuellement une offre de presse et de livres sur l'iRex, s'est dit ouvert à toute proposition sans aucun a priori. Au Japon, la consultation de mangas numérisés sur des portables est en plein développement, sous l'impulsion des sociétés de téléphonie a expliqué Louis Delas, directeur général de Casterman et président du groupe BD du SNE.
En France, la commercialisation de contenus numérisés ne commence à devenir économiquement significative que dans les domaines scientifiques et techniques a rappelé Jean-Jacques Evesque, directeur du pôle revues d'Elsevier France. Le groupe néerlandais se prépare à compléter son offre en périodiques par des livres numériques.
Dans l'éducation, la technologie et la demande des enseignants a conduit les deux concurrents que sont le KNE (Hachette Livre) et le CNS (Editis) à se regrouper dans le portail commun wizwiz, dont les contenus les plus demandés concernent l'apprentissage du français à l'étranger, ce qui développe le marché de l'exportation.
Des contrats adaptés ou à revoir?
Les questions juridiques suscitent toujours des analyses à rapprocher : pour Alain Absire, président de la Société des gens de lettres (SGDL), le numérique introduit une rupture qui obligera à revoir les contrats entre éditeurs et auteurs, lesquels devraient devenir évolutif. En revanche Vianney de la Boulaye, directeur juridique de Larousse et président de la commission juridique du SNE, estime que le droit actuel est parfaitement adapté et que les contrats nécessitent au plus des avenants concernant la rémunération des auteurs.
Me Didier Théophile a exploré les moyens juridiques pour les éditeurs de conserver la maîtrise du prix du livre, alors que les contenus numériques échappent au cadre de la loi Lang et pourraient donc être commercialisés à n'importe quel tarifs par les revendeurs. Le contrat de mandat apparaît comme une solution, toutefois complexe et incertaine ; le plus simple serait une extension de la loi, mais le contexte politique n'y est pas favorable, a reconnu l'avocat.
Tout en se montrant très attaché au droit de la propriété intellectuelle, Olivier Bomsel, économiste et chercheur au Cerna (Ecole des mines), auteur de Gratuit ! Du déploiement de l'économie numérique, a expliqué que l'économie du droit d'auteur devrait nécessairement évoluer et s'adapter au numérique, la simple transposition du fonctionnement actuel n'apparaissant comme une solution pertinente à ses yeux.
Dans cet ensemble, les libraires voient leur avenir dans une plus grande mutualisation de leurs ressources, a défendu Renny Aupetit (Le comptoir des mots, Paris), en s'interrogeant toutefois sur le moyen de prolonger sur le numérique le travail de conseil qui les caractérise, a poursuivi François Maillot (La Procure). Pour François Gèze, P-DG des éditions de La Découverte, une des solutions se trouve dans le regroupement des différentes base de méta données de livres, un enjeu capital pour le travail du libraire et pour la visibilité de la production éditoriale sur Internet.