15 mars > Nouvelles France > Gaëtan Roussel

La tentation est grande, chez nombre de nos auteurs de chansons, et non des moindres, régulièrement sollicités par les éditeurs, d’écrire des livres. On parle ici de littérature, et non de Mémoires ou d’entretiens de circonstance. Certains ont parfaitement réussi, reconnus depuis longtemps comme écrivains, Yves Simon ou Gérard Manset, par exemple. D’autres ont récemment tenté l’aventure, comme Louis Chedid ou Raphaël Haroche. D’autres encore aimeraient bien, comme Bernard Lavilliers, toujours pas passé à l’acte, ou Maxime Le Forestier, qui confie "noircir des pages, mais tellement élaguer le texte que ça finit par faire des paroles de chansons !" Chassez le naturel…

Gaëtan Roussel, qui fut l’âme et la voix reconnaissable entre toutes de Louise Attaque, puis de Tarmac, avant de poursuivre en solo, entre à son tour en littérature, un univers qui fascine et impressionne à la fois, avec humilité, et en résolvant à sa manière l’équation : il ne commence pas par un roman, mais par des nouvelles, courtes en l’occurrence, genre qui peut se rapprocher le plus des textes de chansons, surtout si l’inspiration demeure proche, et l’écriture voisine. Dire au revoir est donc un recueil composé de 20 short stories, certaines very short, comme "Pascal" - sa femme le quitte et lui dit "Au revoir" - ou "Ne tirez pas sur l’ambulance", dont la chute n’est pas très claire. D’autres plus longues, comme "Ma Camille", où le narrateur, en partance pour le Canada dans un avion à bas coût où il a faim et froid, en compagnie de ses frère et sœur, raconte ce qu’il vit en temps réel à une certaine Camille, laquelle ne lui répondra jamais à l’arrivée. Existe-t-elle seulement ?

Le thème qui les fédère, tel que le titre l’indique, c’est la difficulté entre les êtres à communiquer, surtout au moment d’une rupture amoureuse, d’un départ, d’un déménagement. Ce n’est pas nouveau, mais éternel et toujours d’actualité. Encore plus, semble-t-il, à l’heure des réseaux dits "sociaux", qui permettent toutes les lâchetés. Il y a aussi des départs plus définitifs, plus dramatiques, comme ce fleuriste atteint de la maladie d’Alzheimer et qui raconte à la première personne (quand il le peut encore) ses symptômes, avec en regard les commentaires désolés de sa femme. Ou encore l’histoire de ce gamin de 10 ans qui, en 1972, doit déménager, avec son père, les tombes de leurs ancêtres menacées d’inondation au cimetière, et qui essaie d’imaginer tous ces morts qu’il n’a pas connus. Authentique ? Peut-être.

Bien dans le ton du livre, en tout cas, teinté de saugrenu et d’humour noir. Et puis, parfois, la plume de Gaëtan Roussel se lâche, et ça donne "Moi aussi, toi aussi" et "Un même jour", qui pourraient être des chansons de Louise Attaque. On entend déjà le violon. J.-C. P.

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