11 juin > Roman Royaume-Uni

Lui, c’est Peter. Elle, Katharina. Il est instituteur, parti combattre sur le front de l’Est. Elle est encore une ingénue de 22 ans, qui vit chez ses parents à Berlin. En ces jours de 1941 où le IIIe Reich s’annonce encore triomphant, ils se marient sans pourtant s’être jamais rencontrés. Leur union est d’abord un échange de bons procédés. Il n’aspire qu’aux trois semaines de permission qu’elle lui rapporte, elle y voit une occasion de s’affranchir de la tutelle parentale et d’obtenir une pension si son mari venait à mourir au combat. Bien entendu, ils tombent amoureux et ont bientôt un enfant. Peter repartira sur le front, nanti d’un bréviaire nouveau pour lui du parfait prosélyte nazi, tandis que Katharina entame une vie d’attente et de profits abjects des biens juifs spoliés. Cette histoire d’amour (car c’en est une) et de honte ira à son terme, de Berlin à Berlin en passant par Stalingrad, de la victoire au désastre et à la souillure indélébile. Les deux amants sont des damnés à qui ne sera pas accordé le pardon.

Rendons hommage à l’ambition de la journaliste irlandaise Audrey Magee dans cet inaugural Promesses aveugles, saluée comme il se doit par Colm Tóibin ou Hélène Dunmore. Celle-ci la place parmi les voix qui comptent sur la scène littéraire de son pays. En fait de voix, ce sont celles qui traversent de part en part son roman qui retiennent d’abord l’attention. Plutôt qu’une narration néoclassique propre au livre de guerre, Magee se repose en virtuose sur son sens des dialogues, éloignant ainsi l’hydre de la psychologie. Jamais on n’a lu ainsi Stalingrad ou même Berlin si ce n’est dans Seul dans Berlin de Hans Fallada (1947) ou dans le sublime film de Douglas Sirk, Le temps d’aimer et le temps de mourir (1958). Maîtresse des illusions, Audrey Magee ne saurait plus être perdue de vue.

Olivier Mony

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