avant-portrait

C’est sans doute parce que je suis psychanalyste, que j’exerce depuis vingt-cinq ans, que j’ai pu devenir enfin écrivain", reconnaît Philippe Grimbert. "Ecrivain", un mot magique dont, parlant de lui, il n’abuse guère, même si c’est ce qu’il a toujours rêvé d’être.

Adolescent dans les années 1960, Philippe s’enflamme pour le nouveau roman - il sera Butor ou rien - et se lance dans l’écriture de romans, tous refusés. Parallèlement, il poursuit ses études de psychologie, suit une longue psychanalyse avec un lacanien - "ce sont les pires, s’amuse-t-il, mais je ne méritais pas Lacan lui-même, il m’impressionnait trop" -, avant d’ouvrir son propre cabinet, et de travailler, dans deux instituts médico-éducatifs, auprès d’adolescents autistes ou psychotiques. "Je suis un homme de terrain", dit-il. Mais aussi un artiste rentré. Il compose des chansons, et le désir d’écrire le taraude toujours.

En chansons.

Il va alors commencer sa carrière littéraire par une évidence : assembler dans des essais, plutôt originaux, les différents domaines qui le passionnent. Cela donne Psychanalyse de la chanson (Les Belles Lettres-Archimbaud, 1996), "qui devait à l’origine s’appeler 2 minutes 35 de bonheur, comme la chanson de Carlos, le fils de Françoise Dolto !". Il n’y a pas de hasard, mais le titre était déposé, bien sûr. Grimbert reviendra plus tard à la chanson, avec Chantons sous la psy (Hachette Littératures, 2002), psychanalyse de paroles de tubes célèbres. Entre-temps, il a publié Pas de fumée sans Freud (Armand Colin, 1999), une "psychanalyse du fumeur", puis Evitez le divan (Hachette Littératures, 2001), un livre malicieux et provocateur mais "fondé sur une véritable clinique", où il traitait d’hystérie, de dépression, de phobies… Il résume : "J’ai écrit les livres de psy que j’aurais aimé lire moi-même, de la vulgarisation appliquée à des domaines nouveaux, comme la chanson ou le tabac. Selon mes confrères, je traite des sujets "pas sérieux". Mais bien des gens m’ont dit : "Vous m’avez réconcilié avec la psychanalyse.""

Mais c’est en 2001 qu’intervient dans le parcours de Philippe Grimbert une véritable révolution culturelle. Dans la vitrine d’un magasin, il tombe fasciné devant une petite robe destinée à un garçon et imagine qu’il entre pour l’acheter. Un déclic se produit en lui, et il se met à écrire cette histoire qui "vient toute seule". Cela devient un roman, La petite robe de Paul. Après avoir essuyé plusieurs refus, le manuscrit est accepté par Martine Boutang, chez Grasset : "Une vraie éditrice qui lit, ne laisse rien passer et sait faire travailler ses auteurs." Le livre paraît donc en septembre. Un romancier est né, "pas précoce", qui commence sa promo à Radio Libertaire ! Il s’en souvient encore, avec émotion. L’accueil de la presse est bon, et une Petite robe se vend en librairie. Plutôt bien. Mais le meilleur reste à venir.

Athée.

En 2004, toujours à la rentrée littéraire, paraît Un secret, deuxième roman de Philippe Grimbert. "Un livre autobiographique, douloureux, qui m’a fait souffrir mais que j’ai écrit avec plaisir", dit-il. C’est l’histoire d’un petit garçon juif qui s’invente un frère et apprend qu’il en a eu un, mort à Auschwitz avec sa mère, la première femme de son père. Et c’est le propre secret de la famille Grinberg, devenue Grimbert ("c’est le nom, bien français, du blaireau dans Le roman de Renart"), que Philippe a découvert à 17 ans, mais "sans pathos", et qu’il romance bien plus tard, à 56 ans - toujours sans pathos. Martine Boutang, qui a fait retravailler son auteur "jusqu’à l’os", croit très fort à un succès : ce sera un triomphe. Goncourt des Lycéens, prix des Lectrices de Elle, prix Wizo, adaptation au cinéma en 2007 par Claude Miller : 1,5 million d’exemplaires vendus, toutes éditions confondues, en dix ans. "Ce long-seller, dit Grimbert, c’est l’aventure de ma vie, une expérience inouïe." Il publie, ensuite, deux autres romans, La mauvaise rencontre (2009), adapté à la télé par Josée Dayan, et Un garçon singulier (2011), fondés sur "des éléments autobiographiques", ainsi qu’un essai sur Freud. Et il confie "avoir encore des sujets en réserve : secret de famille, c’est un pléonasme".

Mais, en attendant, Philippe Grimbert a décidé de faire une pause. Pour Nom de Dieu ! - "moi qui suis particulièrement athée" -, "un livre sur la foi, la justice, la colère… et Dieu". Avec un romancier en deus ex machina malfaisant, un psy pathétique qui sème la confusion dans la tête de sa patiente, et un antihéros, Baptiste, qui disjoncte complètement. Une sotie grinçante. Et aussi, selon l’auteur, "une prise de risque : être drôle, c’est difficile". Rions sous la psy ?

Jean-Claude Perrier

Nom de Dieu !, Philippe Grimbert, Grasset, 198 p., 17 euros, ISBN : 978-2-246-85367-1, mise en vente le 7 mai.

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