En Hongrie comme au Japon, la nouvelle année a été célébrée à coups de textes restreignant la liberté d’expression. Cap à l’Est, pour un rapide bilan de régression dans deux pays supposés démocratiques. À Budapest, la loi sur la « liberté de la presse et les normes de base des contenus médiatiques » est entrée en vigueur le 1er janvier. Le texte sanctionne une multitude d’agissements, des cas «  d’atteinte à l’intérêt public, l’ordre public et la morale  », aux «  informations partiales  ». Les journalistes doivent   également révéler leurs sources sur des questions liées à la sécurité nationale, etc. Le texte vise tous les médias, que ce soit la radio, la télévision, la presse écrite, internet, etc. Il paraît exclure, sans être vraiment explicite, l ‘édition de livres en version papier, mais est suffisamment flou pour sanctionner… leur recension. Selon tous les observateurs, l'adoption d'une telle loi est une initiative sans précédent dans l'Union européenne. Une nouvelle autorité des médias a même été mise sur pieds afin de faire appliquer ces règles suffisamment nébuleuses pour se révéler d’autant plus dangereuses. Bien évidemment, tout un chapitre est consacré à la supposée protection des mineurs. C’est aussi le cas au Japon. Le gouvernement de Tokyo a en effet adopté une réglementation le 15 décembre dernier fustigeant les œuvres c omportant des scènes «  extrêmement obscènes  » susceptibles d’être achetées par des mineurs. Le texte rentre en application en juillet prochain. Les mangas sont directement dans le collimateur. Là encore, l’imprécision et la sévérité des nouvelles normes est une porte ouverte à la censure la plus large, que vient de dénoncer la barreau de Tokyo. En érigeant en valeur justifiant toute censure la protection de la jeunesse, les Etats prétendent être devenus neutres et impartiaux. Il ne porteraient plus un regard normatif sur les pratiques ou les croyances représentées dans ces différents supports que sont les livres, les films, les émissions de radios, les séries télévisées, les bandes dessinées, etc. La loi n’incriminerait plus les messages en tant que tels. Elle se contenterait, simplement, d’en protéger les mineurs. Elle vérifierait que, en circulant dans l’espace public, ils ne portent pas préjudice au bon développement psychique des enfants, en les troublant, les choquant, les blessant. A en croire les instigateurs de ces textes, on ne pourrait donc plus aujourd’hui, au sens strict, parler de censure. Les interventions de la loi seraient restreintes au minimum nécessaire et à l’irréductible.   Mais de nombreux juristes, historiens, philosophes ont remis en cause et critiqué cette représentation. Ce changement de paradigme n’est que superficiel et rhétorique. Les rapports entre Etat et morale ne se sont pas substantiellement modifiés. Dans son Histoire de la censure dans l’édition , l’historien Robert Netz écrit ainsi : «  La censure répressive est d’autant plus voyante qu’elle s’attaque au livre au nom de la protection de   l’enfance qui n’a rien à faire là  ». Il est loin le temps où La Fleur lascive orientale faisait le bonheur des lecteurs français.  
15.10 2013

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