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Librairie: tout pour le client

Olivier dion

Librairie: tout pour le client

Lors du deuxième forum organisé par Livres Hebdo mercredi 6 juin à l’hôtel Bel Ami à Paris, Amanda Spiegel (Folies d’encre, Montreuil), Samuel Chauveau (Bulle, Le Mans) ainsi que Baptiste Gros et Caroline Dieny (La Colline aux livres, Bergerac) ont plaidé pour une librairie "inventive", apte à se remettre en question pour s’adapter à la demande.

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Par Clarisse Normand,
avec Créé le 14.06.2018 à 21h59

Le deuxième forum organisé par Livres Hebdo, mercredi 6 juin à l’hôtel Bel Ami (Paris 6e), a réuni une bonne cinquantaine de professionnels autour des mutations de la librairie. Prolongeant la série d’articles publiée sur ce thème dans le magazine entre le 11 mai et le 1er juin, Amanda Spiegel (Folies d’encre, Montreuil), Samuel Chauveau (Bulle, Le Mans) ainsi que Baptiste Gros et Caroline Dieny, qui s’apprêtent à reprendre La Colline aux livres, à Bergerac (1), ont déployé leur vision du métier, débattant entre eux et avec le public, sous la modération de Fabrice Piault, rédacteur en chef de Livres Hebdo.

Arrivée chez Folies d’encre en 2002 pour un stage, et devenue gérante de la librairie en 2014, succédant à son fondateur Jean-Marie Ozanne, Amanda Spiegel a mis en avant le changement de contexte intervenu au cours des trente dernières années. "Quand Jean-Marie a fondé Folies d’encre, en 1981, au moment de l’adoption de la loi Lang, les rapports entre libraires et diffuseurs étaient tendus, on était encore dans le combat. Aujourd’hui, les rapports sont apaisés et les disparitions de Virgin et de Chapitre ont même favorisé l’esprit de partenariat."

Témoignant de cette évolution, une jeune responsable commerciale est intervenue pour savoir comment elle pouvait aider les libraires. Amanda Spiegel l’a invitée à dépasser "le noyau dur des commerces les plus connus pour partir à la rencontre de tous les autres". Sensible à l’évolution des rapports avec les éditeurs dans un secteur, la BD, marqué, précise-t-il, "par une explosion de l’offre,passée en trente ans de 200 à 6 000 nouveautés par an", Samuel Chauveau pointe l’importance du contact avec le terrain. "La gestion est importante, mais trop de gestion tue le métier", déclare le libraire, qui a "créé Bulle en 1983, sans rien connaître du métier". En 2013, il a fait le pari de s’installer dans un local de 350 m2, mais s’efforce "d’être en magasin plus que derrière son écran".

Du temps pour le client

Autre temps, autres mœurs. Caroline Dieny et Baptiste Gros, jeunes libraires en phase de reprise de La Colline aux livres, ont derrière eux une expérience de plusieurs années en librairie à laquelle s’ajoute, pour Baptiste Gros, une expérience d’enseignant à l’Institut national de formation de la librairie (INFL). "Se former et se professionnaliser permet de gagner du temps", observe ce dernier, qui n’en confirme pas moins l’importance du contact humain. "Face à la concurrence d’Internet, notre réponse ne peut pas être technologique. Nous perdrions. En connaissant les goûts de ses clients, Amazon est capable, par analogie, de conseiller d’autres livres. Nous, nous devons les conseiller sur d’autres critères, notamment en sachant qui ils sont et quelles sont leurs problématiques du moment. D’accord, je n’ai pas des dizaines de milliers de références, j’en ai juste 15 000, mais ce sont les bonnes !" Constatant que "plus les gens consomment sur Internet, qui est un média froid, plus ils reviennent dans nos magasins pour le contact", Amanda Spiegel n’en est pas moins consciente de devoir assurer un service correspondant aux nouvelles attentes, notamment en matière de délai. Elle vient de rejoindre la plateforme Librest, qui mutualise les stocks de dix établissements franciliens actuellement adhérents: "Obtenir en quelques heures un livre qui nous est demandé par un client nous déringardise."

Prendre de la hauteur

Tandis que Samuel Chauveau déclare "continuer à croire en une librairie inventive", Caroline Dieny pointe la nécessité de "se remettre régulièrement en question. On ne réfléchit pas assez à ce qu’on fait et surtout à ce qu’on ne fait pas. Il faut échanger davantage avec nos confrères mais aussi avec d’autres commerçants pour faire naître des idées." Revendiquant des temps de réflexion sur le sens de certaines pratiques, Amanda Spiegel compare Folies d’encre à "un TGV" qui "aujourd’hui est en train de s’emballer. On croule sous les propositions de développement, que ce soit informatique, événementiel ou éditorial." D’où, selon elle, la nécessité de "réorganiser les process de travail si on veut être plus efficace et gagner du temps pour être avec les clients". Au-delà de l’intérêt des nouveaux outils de gestion, évoqués brièvement, la libraire souligne "l’importance de la professionnalisation dans les achats pour être plus actifs dans nos refus de livres". Derrière cette maîtrise, c’est aussi l’aménagement du magasin qui est en jeu. Attentif à la bonne circulation des clients, Baptiste Gros estime "difficile aujourd’hui de faire une librairie qui ne respecte pas un certain nombre de codes en matière de circulation, clarté, signalétique… Je déteste les librairies cavernes d’Ali Baba, où le client peut se sentir perdu."

Dans cet esprit, Samuel Chauveau et Amanda Spiegel avouent avoir retiré toute PLV de leur librairie. En redonnant "de l’oxygène" à son magasin, le libraire du Mans a salué la remise en valeur de certains espaces. Enfin, tandis que Caroline Dieny fait valoir l’importance de la notion de plaisir dans l’acte de vente, Amanda Spiegel prône un management basé sur le consensus, favorisant le bien-être au travail, et par suite les échanges d’informations au sein de l’équipe.

(1) Voir LH 1177, du 8.6.2018, p. 26.

14.06 2018

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