avant-portrait > Pascal Herlem

Comme tout le monde, Pascal Herlem est né deux fois : quand il est né et - il venait d’avoir 18 ans - le jour où il quitta sa ville natale. Après, ce fut une vie, des livres, des enfants, d’autres villes. Pas beaucoup, Bordeaux et Aix d’abord pour les études, puis Paris pendant dix ans, et Annecy depuis trente. Alors, revenir à Limoges…

Il faudra pour cela un demi-siècle, la mort d’une sœur et une transfiguration du psychanalyste savoyard en écrivain de la Haute-Vienne. Car on n’écrit jamais que là d’où l’on vient, comme on chante dans son arbre. En mars 2015, Pascal Herlem publiait chez Gallimard, dans la collection "L’arbalète", La sœur, récit comme transi de douleur autour d’un secret de famille, d’une fille sacrifiée, du chagrin de ceux qui restent et ne se sentent pas autorisés à l’exprimer. Cette sœur (qui mourra au cours de l’écriture du livre de son cadet, en modifiant sensiblement le projet), c’était Limoges déjà, et comment s’en approcher.

Le narrateur de Limoges, deuxième livre qui vient comme commenter le premier et lui offrir des lignes de fuite ou au moins des promenades rêveuses, fait enfin retour. Il est pour lui seulement question d’un détour (en Simca Horizon, c’est le genre de type qui garde tout…) pour s’occuper un peu de son caveau de famille. La ville est morte, et morts devraient être les souvenirs ; et pourtant, il y aura des restaurants, des rencontres de hasard, une femme, de la porcelaine bien sûr et quelques émaux, et les quelques heures deviendront quelques jours. Et Limoges que l’on croyait perdue à jamais et bon débarras, s’endimanche un peu, tendrement, se fait un peu belle et redevient ce que pourrait être tout pays d’enfance, une île sous le vent.

Secrets révélés

De Limoges, Pascal Herlem ne veut plus se défendre. Comme sa ville natale lui a au moins offert un verbe, il se dit et se reconnaît enfin "limogé de naissance". C’est pour lui comme son héros, l’endroit où il a ses morts. Et ses souvenirs et sa première bibliothèque aussi. On vous parle là d’un temps sans télé, et même sans téléphone. D’un temps qui passait comme il pouvait, mais avec Zola, Hugo, Maupassant et, révélation essentielle, Bouvard et Pécuchet. Plus tard, ce sont eux, les deux imbéciles célestes, qui mèneront Pascal Herlem vers Queneau (passion durable là aussi, jusqu’à fréquenter assidûment le séminaire de Claude Debon à l’ENS de jeunes filles du boulevard Jourdan), Calvino ou Perec. Vers lui-même, vers sa vérité d’écrivain.

Il y faudra peut-être aussi cette amitié profonde et durable (quarante ans) qui le lie à un jeune saxophoniste rencontré du côté d’Aix-en-Provence, Jean Echenoz. Il écrira sur son ami un livre pour parler de tous les chiens qui traversent son œuvre. Et puis donc, puisqu’il a désormais un éditeur, Thomas Simonnet, pour l’entendre, au pied de ses montagnes ou au cœur de ses étés landais, il écrit. De beaux livres, comme des secrets révélés, sur Limoges, sur les siens, sur l’éternel retour. Olivier Mony

Limoges de Pascal Herlem, Gallimard. 15,50 euros, 135 pages. Sortie : 12 octobre. ISBN: 978-2-07-274626-0

22.09 2017

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