20 août > Roman Grande Bretagne

Vauxhall est un quartier du centre de Londres. De là, comme du temps de l’enfance de Michael, le tout jeune narrateur du premier roman de Gabriel Gbadamosi, on entend les cloches de Big Ben de l’autre côté de la Tamise, rive nord. Chronique urbaine et familiale, recueil de choses vécues à hauteur d’enfant, de la fin des années 1960 au début des années 1970, ce récit de passage raconte comment on grandit auprès d’une mère blanche et catholique et un père noir et musulman, à une époque où cette enclave était majoritairement peuplée de pauvres et d’étrangers venus d’Afrique, des Caraïbes ou du Portugal.

Mais aux yeux de l’enfant, il n’y a pas encore de Noirs et de Blancs, seulement "ma maman" et "mon papa". Et deux frères et une sœur. La fille, Busola, veut qu’on l’appelle Kat parce qu’elle trouve que son prénom africain fait "péquenot". C’est la forte tête de la famille. Entre eux, c’est souvent comme chien et chat : on cherche, on s’embrouille, on se jalouse. Avec les tantes, les oncles, les voisins, le quotidien est collectif.

Beaucoup de choses échappent au narrateur. Des choses de grands qu’il tente de comprendre avec sa lucide fraîcheur. Pourquoi ses parents ont-ils eu l’air contrarié quand il a dit aux deux visiteurs qui avaient sonné à la porte de la maison qu’ils vivaient là à dix-huit ? "Je ne savais pas que c’était la mauvaise réponse." Le père explique : les terrains convoités par les promoteurs immobiliers, les menaces d’expulsion… Tout ça est encore abstrait. En quoi consistent les études que fait le père quand il passe des semaines entières à Liverpool ? Et les cicatrices tribales sur son visage qui font peur aux copains du quartier ? Où est la mère quand elle quitte le foyer ? Qu’est-ce qui la fait revenir ?

Ces temps-là sont rudes, la mort est déjà une réalité : une fillette en sari tombe d’une fenêtre sur le trottoir, le corps d’une vieille femme est retrouvé raidi par le froid sous un tunnel de voie ferrée, des clochards solitaires hantent les rues qui sont à la fois terrains de jeux, lieux de bagarres et de drames. Régulièrement, des incendies se déclarent dans les maisons vétustes. Mais la vie est aussi aventureuse, parfois même festive.

Poète, dramaturge et essayiste, le Londonien Gabriel Gbadamosi est le fils d’une Irlandaise et d’un Nigérian. Comme son si futé petit gars de Vauxhall. V. R.

19.06 2015

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