Louis-Ferdinand Céline retiré des célébrations nationales 2011

Louis Ferdinand Céline

Louis-Ferdinand Céline retiré des célébrations nationales 2011

L'appel de Serge Klarsfeld a été entendu. L'état n'a pas voulu créer une nouvelle polémique. Pourtant, aussi délicate soit-elle, de nombreux auteurs et intellectuels s'offusquent de cette décision.

Par Vincy Thomas
avec vt, avec afp Créé le 23.01.2014 à 10h55

Louis-Ferdinand Céline a une nouvelle fois créé remous et polémiques mais le nom de cet écrivain, antisémite notoire, a été retiré vendredi soir du calendrier des célébrations nationales de 2011 sur décision du ministre de la Culture Frédéric Mitterrand. Il a finalement reconnu que "ce n'était pas possible de déposer une gerbe aux pieds de Céline au nom des valeurs de la République, pour l'instant, et pour toujours je crois."

"Après mûre réflexion, et non sous le coup de l'émotion, j'ai décidé de ne pas faire figurer Céline dans les célébrations nationales", a annoncé M. Mitterrand vendredi 21 janvier dans la soirée lors d'un point de presse qui devait lancer les Célébrations nationales. "Ce n'est en aucun cas un désaveu à l'égard du Haut comité (chargé d'établir la liste des personnalités célébrées) mais une inflexion que j'assume pleinement", a-t-il ajouté. Le ministre de la Culture a assuré en marge de la conférence de presse "qu'aucune controverse ni aucune pression n'avaient eu de prise sur lui". Mais, a-t-il ajouté, "en mon âme et conscience et au contact de l'émoi de certains, j'ai pensé qu'il était de mon devoir de prendre cette décision". Selon le quotidien Le Monde, l'Elysée et le Ministère de la Culture aurait changé d'avis d'un commun accord. Le Président de la République ne cache pas son admiration pour l'écrivain, souvent cité comme son préféré. Mais l'affaire était politiquement trop délicate.

10 000 exemplaires à réimprimer

Serge Klarsfeld, président de l'association des fils et filles de déportés juifs de France (FFDJF), s'est réjoui de cette décision qu'il avait réclamée, prêt à en appeler au Président et au Premier Ministre (voir actualité du 20 janvier dernier). "J'adresse mes félicitations à Frédéric Mitterrand d'avoir eu le courage de désavouer ceux qui, dans son ministère, ont laissé passer cette bourde", a-t-il dit à l'AFP.

M. Mitterrand avait pourtant signé l'avant-propos du recueil des célébrations, préparé depuis l'automne dernier et imprimé à 10 000 exemplaires, qui doit désormais être remanié, sans Céline. Les journalistes présents à la Conférence de presse sont donc repartis les mains vides.

Immense écrivain, et l'un des plus traduits, Céline, mort il y a 50 ans, marqué du sceau de la collaboration et auteur de nombreux pamphlets violemment antisémites avant et pendant l'Occupation, était inscrit dans ce recueil des célébrations officielles au côté de Blaise Cendrars, Franz Liszt, André Leroi-Gourhan ou encore Georges Pompidou.

"Ce n'est pas à la République de commémorer un homme comme Céline. On ne peut pas faire abstraction du côté négatif du personnage", a poursuivi M. Klarsfeld.

Un désaveu du Haut Comité pour ne pas créer de polémique

Mais ce n'est pas l'avis de tout le monde. Philippe Sollers se dit "absolument atterré". "Le Ministre de la Culture est devenu aujourd'hui le Ministre de la censure", selon lui. Bernard-Henri Lévy et Alain Finkelkraut auraient préféré qu'on assume cet héritage contradictoire, qu'on explore cette énigme.

Henri Godard, grand spécialiste de Céline, qui avait rédigé la notice sur l'écrivain dans le recueil des célébrations, a déclaré à l'AFP se sentir "intégralement piégé par ce recul" du ministre de la Culture dont il n'avait pas été informé : "Je tombe des nues, personne ne m'a contacté", a-t-il lancé. Le Monde raconte que le Ministre lui a ostensiblement tourné le dos lorsque celui-ci s'est approché lui disant simplement : "Pas de polémique".

Pour Henri Godard, il s'agit aussi "d'un désaveu du Haut Comité" présidé par l'historien Jean Favier. Certains membres avaient suggéré d'accompagner la notice d'un texte dénonçant explicitement l'antisémitisme violent de l'écrivain. "Je pensais que la valeur de la création littéraire de Céline méritait d'être mise en valeur", a ajouté M. Godard. Il rappelle que Voyage au bout de la nuit est au programme de l'agrégation depuis 1974. "C'est une incroyable régression",s'alarme-t-il.

Henri Godard a dirigé l'édition de textes de l'écrivain dans la prestigieuse collection de la Pléiade de Gallimard et fut condisciple de Serge Klarsfeld pendant leurs années de lycée.

L'historien Jean-Noël Jaenneney préconise que le recueil ne soit plus celui des célébrations mais des commémorations.

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