Rentrée littéraire 2021

Mariette Navarro, «Ultramarins» (Quidam éditeur) : Vertige aquatique

Mariette Navarro - Photo © Philippe Malone

Mariette Navarro, «Ultramarins» (Quidam éditeur) : Vertige aquatique

Une baignade impromptue au milieu de l'Atlantique déclenche une série de phénomènes étranges. Le premier roman océanique de la dramaturge Mariette Navarro.

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Par Véronique Rossignol
Créé le 12.08.2021 à 13h00

Couper les moteurs, mettre un canot à l'eau et se baigner nu en haute mer au milieu de l'Atlantique : c'est la curieuse demande à laquelle accède contre toute attente la commandante de bord d'un cargo porte-conteneurs en route vers la Guadeloupe. Dans une « parfaite région d'eau calme » après le passage des Açores - indiqué « abyssal plain » sur les cartes -, vingt marins s'offrent un moment clandestin volé à leur emploi du temps laborieux. Une pause qui ne sera pas inscrite sur la feuille de route, une suspension du temps. Capitaine de première classe de la navigation maritime, à la tête d'un équipage 100 % masculin, la commandante est une professionnelle aguerrie, respectueuse du protocole et des procédures, qui connaît les officiers qui l'épaulent depuis l'école et a choisi son équipage en veillant sur les « équilibres des personnalités réparties sur le bateau ». Elle reste seule à bord. La baignade, magique et irréelle, est décrite étape par étape. De l'excitation à l'effroi, ces hommes adultes retrouvent des sensations enfantines. Certains éprouvent subitement le vertige et « la pensée nette des kilomètres sous leurs pieds ». « Une demi-heure, de quoi connaître le temps qui s'arrête, le cœur dans la gorge, le cri qui du dedans vient écraser le rire. Ils ont la sensation très nette de leur disparition et de leur ignorance. » Mais comme un grain de sable introduit dans les rouages du moteur, d'étranges phénomènes surviennent après ce bain impromptu : le bateau ralentit son allure sans que l'on puisse identifier un quelconque problème mécanique, un épais brouillard apparaît alors que la météo indique un ciel dégagé sur la zone. Et qui est ce vingt et unième marin comptabilisé après la baignade ? Les repères vacillent, l'inquiétude gagne l'équipage, la confiance perd pied. Le bateau semble devenir vivant.

Né d'une traversée de l'Atlantique en cargo effectué en 2012 puis d'une longue maturation, le premier roman de la dramaturge et poétesse Mariette Navarro n'est ni un récit de voyage, ni un polar. C'est un roman d'atmosphère. Un texte dense et océanique, aux franges du fantastique. Qui laisse un mystère teinté d'angoisse flotter comme la nappe de brume qui enveloppe pendant quelques heures le bateau dans un cocon ouaté. Dans un entre-deux mouvant, au milieu de nulle part, où la conscience expérimente physiquement le sentiment de « n'être rien du tout ». « Il y a les vivants, les morts, et les marins », avait prévenu la première phrase.

Mariette Navarro
Ultramarins
Quidam éditeur
Tirage: 5 000 ex.
Prix: 15 € ; 146 p.
ISBN:  9782374912158

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