Mauvais genre connaît un sort hors du commun. Publié par Delcourt le 18 septembre avec un premier tirage de 8 000 exemplaires, ce roman graphique signé par Chloé Cruchaudet, une scénariste et dessinatrice de 37 ans, atteint désormais un tirage de 80 000 exemplaires, dont 50 000 ont été vendus.

Le succès est arrivé lentement mais sûrement et l’album cumule les récompenses depuis sa sortie. Outre le prix Landerneau BD 2013 et le prix Coup de cœur Quai des Bulles 2013, il a su rallier à la fois les suffrages de la critique avec le grand prix de l’ACBD 2013, comme ceux des lecteurs avec le prix du Public Cultura au Festival d’Angoulême 2014. Sans aucun doute, cette dernière récompense lui vaut son entrée dans notre palmarès des BD en 8e position.

Mauvais genre raconte l’histoire d’amour tragique entre Louise Landy, couturière, et Paul Grappe, déserteur de la guerre de 14-18, qui se déguise en femme pour sortir du taudis dans lequel il est enfermé et échapper à l’armée. Il y prend goût, se fait appeler Suzanne Landgard et devient un(e) habitué(e) du bois de Boulogne, jusqu’à ce que tout s’écroule avec l’amnistie de 1925. Redevenu Paul, il sombre alors dans l’alcoolisme et la violence…

Chloé Cruchaudet s’est appuyée sur une histoire vraie, La garçonne et l’assassin, racontée par les historiens Fabrice Virgili et Danièle Voldman, paru chez Payot en 2011 (et dont les ventes sont en hausse). Fascinée par ce récit, elle avoue avoir été obligée de renoncer à certains épisodes (comme le fait que Paul-Suzanne ait été championne de France de parachutisme), tout en imaginant totalement l’amour entre Louise et Paul, dont on sait peu de choses malgré le procès final.

Mauvais genre est arrivé au bon moment, à la fois pour la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale, et en plein débat sur la question du genre, deux sujets brûlants qu’elle aborde sans manichéisme. S’affranchissant des cases, Chloé Cruchaudet a réussi un magnifique roman graphique, à l’encre de Chine, abordant avec délicatesse et sans complaisance l’horreur de la guerre ou les parties fines du bois de Boulogne. On y retrouve l’ambiance angoissante des tranchées et des cauchemars de Paul, puis l’obscurité bienveillante du bois, véritable refuge pour Paul-Suzanne qui en est la reine… jusqu’au jour où il doit affronter à nouveau la réalité.

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