Succédant à Didier Decoin, le nouveau président de l’Académie Goncourt, Philippe Claudel, élu lundi soir après l’Assemblée générale, s’est confié à Livres Hebdo en revenant des obsèques de son prédécesseur Bernard Pivot. Si l’écrivain s’inscrit dans la continuité, il souhaite déjà procéder à quelques ajustements pour « retrouver une sérénité qui a pu faire défaut ces derniers temps ».
Livres Hebdo : Vous avez été élu président de l'Académie Goncourt ce lundi 13 mai. Qu’est-ce qui a motivé votre candidature ?
Philippe Claudel : C’était un trajet naturel parce que dès que je suis entré à l'Académie (en 2012, ndlr), j'ai pris en charge des fonctions de trésorier pendant neuf ans et ensuite celle de Secrétaire général, il y avait donc une application dans le bureau de longue date. Didier (Decoin, ndlr) partant, un certain nombre d'entre nous ont souhaité que je prenne la suite. C’est une assemblée que j'aime beaucoup, à laquelle je consacre beaucoup de temps et j'espère maintenant continuer dans la lignée de mes prédécesseurs à faire rayonner cette académie, retrouver aussi une forme de sérénité et du calme qui nous a un peu fait défaut ces derniers temps, parce qu’il y a eu quelques turbulences.
« J’ai proposé à mes camarades qu’on tire au sort la voix qui comptera double »
Les deux derniers prix Goncourt ont en effet été attribués dans des circonstances jusque-là assez rares, avec la voix du président au 14e tour. Estimez-vous que la situation nécessite un changement structurel au sein de l’Académie ?
L’Académie se renouvelle très naturellement. On nous accuse de ne pas être un jury tournant mais c’est faux : par les hasards de la vie et de la mort aussi, on ne cesse de se renouveler. Depuis douze ans que je suis là, l’Académie a eu de multiples visages. Nous sommes seulement de passage et j’ai d’ailleurs déclaré à mes collègues que je serai leur président pour cinq ans au maximum et qu’ensuite je quitterai le groupe. Avec la règle instaurée par Françoise Chandernagor et Bernard Pivot sur les 80 ans, il y aura aussi des renouvellements, dont celui de Paule Constant que j’espère avant les lectures de l’été puis celui de Tahar Ben Jelloun à la fin de cette année. Il y a des ajustements réguliers à faire pour qu’on soit une assemblée honnête et intègre. J’ai proposé à mes camarades qu’on tire au sort, avant la séance de délibération du prix Goncourt, la voix qui comptera double. J’espère que ce sera adopté.
« Promouvoir le dialogue dans notre académie et au sein du continent littéraire »
La marque Goncourt se développe à l’international. Allez-vous poursuivre ce développement ?
C'est une aventure qui a commencé il y a 25 ans avec le premier choix concours de la Pologne et qui s'est accélérée considérablement ces dernières années. Je suis vraiment un fervent partisan de ces aventures multiples, avec le Goncourt des détenus au sein de notre territoire. Il y a aujourd’hui 40 choix Goncourt et j’espère que ce chiffre va grossir avec notamment celui de l’Allemagne prochainement.
Quelles sont vos ambitions pour marquer votre présidence ?
Ce ne sont pas des mesures spectaculaires mais c’est dans la continuité. Nous avons une charge importante : la mission de faire aimer la littérature. Il faut qu'on participe à ce mouvement qui ferait redevenir la lecture enthousiasmante, sexy, fascinante… Faire comprendre aux gens que lire c'est aussi ausculter le monde et surtout un monde dans lequel beaucoup d'entre nous se sentent inquiets aujourd'hui. La littérature peut être là pour, à la fois se poser des questions, apporter des réponses et surtout nous faire dialoguer. Pour résumer, mon ambition est vraiment de promouvoir le dialogue. D’abord dans notre académie lors de nos débats, pour qu’ils soient le plus chaleureux et respectueux possible, mais également de le favoriser avec toutes celles et ceux qui s’intéressent au continent littéraire.