9 octobre > Premier Roman France

"Vos parents sont morts et vous êtes seuls." Citer la première phrase du roman de Sylvain Kermici, c’est annoncer la couleur : noire, comme la collection qui accueille ce premier texte, bref et funèbre. Ce "vous" désigne un homme isolé qui s’enfonce dans une crise, une spirale dépressive. Il installe pour le restant du récit la distance, le décalage et la perte de contact avec la réalité.

La famille du narrateur se résume à un frère aîné, avec lequel il ne partage rien. Seul l’intérêt bienveillant que lui porte sa belle-sœur, Isabelle, éclaire une existence qui se noie peu à peu dans la nuit. Paniques soudaines, paranoïa - "impression diffuse d’être épié par une sorte d’entité externe, vague, illimitée et polymorphe" -, nausées de dégoût, épuisement, insomnies, "conscience engourdie par l’alcool", "flottement amnésique" sont les symptômes de cet effondrement intérieur progressif. L’homme occupe un studio meublé "sérieusement défraîchi" dans lequel on entend la ville et les voisins, travaille pour une caisse d’assurances mais ne fréquente aucun collègue. "Voir, enregistrer, c’est tout ce que vous désirez, tout ce dont vous êtes capable." Et rêver d’Isabelle. L’animer dans des rêves ambigus, fantasmes flottants, sans contours. "La sensation est agréable et cotonneuse. Isabelle est en vous, à vous et à personne d’autre." D’abord "vous" ne sortez plus que lorsque les rues sont vides, puis plus du tout. "Vous" laissez sonner le téléphone sans répondre avant de vous débarrasser de l’appareil. Comme plus tard des meubles, papiers et photos, dans un mouvement continu et irréversible de dépossession vers un dénuement toujours plus foncier. Roman d’atmosphère, d’errances nocturnes, urbaines, pluvieuses, Hors la nuit opprime lentement en faisant monter la prémonition d’une plongée sans retour. Véronique Rossignol

26.09 2014

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