Loi Lemaire

Pour François Gèze, l'open-access est "mal préparé" dans le projet de loi

François Gèze - Photo Olivier Dion

Pour François Gèze, l'open-access est "mal préparé" dans le projet de loi

Le président du groupe universitaire du Syndicat national de l'édition pointe du doigt la loi pour une République numérique qui prévoit de mettre en œuvre la gratuité d'accès aux articles des revues scientifiques dans des conditions jugées très inquiétantes par les éditeurs concernés.

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Par Hervé Hugueny
Créé le 18.01.2016 à 20h31

Le raccourcissement des délais d'accès gratuit des articles scientifiques est mal préparé dans le projet de loi Lemaire et met en danger les derniers éditeurs scientifiques français et l'édition privée de sciences humaines et sociales (SHS) estime François Gèze, président du groupe Edition universitaire du Syndicat national de l'édition (SNE), et de Cairn, principale plateforme de diffusion de revues de SHS.

L'article 17
 
Discuté la semaine dernière en commissions à l'Assemblée nationale, le projet de loi pour une République numérique arrive en séance plénière ce mardi 19 janvier, soutenu par Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat chargée du numérique. Il prévoit dans son article 17 que les chercheurs peuvent diffuser gratuitement leurs travaux sur Internet, six mois après la publication initiale dans une revue en sciences, technique et médecine (STM) et 12 mois après leur publication pour les sciences humaines et sociales (SHS). Cette possibilité concerne les travaux financés au moins à 50% sur fonds publics.
 
L'objectif est de contenir l'inflation des frais d'abonnement que les bibliothèques doivent payer, principalement aux grands groupes de STM. Couperin, le consortium réunissant les BU, a négocié avec le seul Reed Elsevier un contrat qui prévoit l'accès à sa base (13 millions d'articles) contre un abonnement de 34 millions d'euros par an, de 2014 à 2018. Loin de ce gigantisme, les éditeurs français sont entraînés dans un combat qui les dépasse.

Un délai réduit
 
Le projet initial, soumis à consultation publique, prévoyait 12 et 24 mois de délai après publication initiale. Il a été réduit à la suite d'un arbitrage interministériel, pour compenser le retrait de l'article définissant un domaine commun informationnel, dont le principe était jugé utile mais la rédaction défaillante selon le ministère de l'économie, explique à Livres Hebdo François Gèze.
La source média référencée est manquante et doit être réintégrée.

"Il nous a été expliqué que cette réduction serait accompagnée de mesures de soutien aux revues de SHS. Mais ce qui est prévu favorisera surtout les revues de l'édition publique, principalement du CNRS" dénonce le président de Cairn. L'étude d'impact accompagnant la loi indique que le dispositif d'accompagnement prévoit en effet "une aide à l'accélération de la diffusion en libre accès qui prend en compte des projets selon des modalités de calcul différentes, s'agissant d'éditeurs publics ou privés".  Un budget de 0,5 million d'euros serait réservé dès cette année pour financer cette disposition. Les hypothèses varient ensuite, mais ne dépassent pas 4 millions d'euros.
 
Ne s'estimant pas écoutés et floués, les éditeurs de SHS ont décidé de boycotter la dernière réunion programmée cette semaine au sujet de ce dispositif, jugé insuffisant et mal préparé. D'autre part, il ne prévoit rien pour les derniers éditeurs français de STM, essentiellement EDP Sciences, Lavoisier et John Libbey, ce que le SNE et la Fédération de la presse d'information spécialisée (FNPS) ont dénoncé vigoureusement dans un communiqué publié le 18 janvier.

Une diffusion internationale
 
Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'Etat a jugé qu’il n’a "pas disposé d’une véritable étude des impacts positifs ou négatifs, juridiques aussi bien qu’économiques qu’on peut en attendre" concernant les effets de cette disposition. Il a noté aussi une incohérence entre sa dimension forcément nationale alors que "l’effet de la diffusion sur l’internet est mondial", et a donc recommandé son abandon.
 
Les éditeurs concernés comptent maintenant sur la discussion de la loi en séance plénière pour revenir à des dispositions qu'ils jugent plus compatibles avec leur économie, très fragile. Plusieurs amendements ont été déposés, demandant la suppression de l'article, ou le retour aux délais de 12 et 24 mois. S'ils sont rejetés, la discussion se poursuivra évidemment au Sénat, ou la loi devrait être examinée au printemps. En dernier ressort, les députés auront le dernier mot, à l'issue d'une seule lecture entre les deux assemblées, la loi étant déposée en procédure d'urgence.
 

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