13 novembre > Roman France

Ryoko Sekiguchi est une âme nostalgique. Cette écrivaine de 45 ans, née à Tokyo, installée en France depuis 1997 et écrivant en français depuis plus d’une dizaine d’années, également traductrice de BD, notamment de la série Alice in Bordeland de Haro Asô (Delcourt), parle dans ses livres la langue des exilés. Ce n’est pas un hasard : chronique japonaise (P.O.L, 2011), écrit dans les semaines qui ont suivi la catastrophe de Fukushima dont elle a vécu l’annonce à Paris, et de façon plus légère Le club des gourmets et autres cuisines japonaises (P.O.L, 2013) étaient déjà empreints de ce rapport particulier au temps, à l’absence, à la disparition, au deuil, infligé par la distance, qui imprègne une nouvelle fois La voix sombre. Ce bref texte méditatif et élégiaque autour de la voix et de son pouvoir d’évocation unique part du regret de ne pas avoir enregistré celle de son grand-père avant qu’il ne disparaisse. "L’objectif, ou plutôt la morale à extraire à la lecture de ce livre, est seulement ceci : enregistrez la voix de ceux qui vous sont chers/Dans la littérature, il arrive qu’on délivre des conseils valables dans la vie quotidienne. Mon conseil, le seul que j’aie jamais donné dans un livre, vous servira un jour, j’en suis sûre", engage-t-elle dans les premières pages. Même si, prévient Ryoko Sekiguchi, la voix gravée, des morts comme des vivants, si concrète et dont le grain est pourtant si difficile à décrire, "trouble la temporalité" car elle appartient au présent "pour toujours". Mais c’est, avec les cheveux, l’écriture et l’odeur, la seule trace directes des corps disparus. Or "l’odeur de ceux qui sont partis ? Qui la conserve ?" s’interroge l’écrivaine. La voix gravée, elle, précieusement intacte sur les enregistrements, "peut toucher directement nos tympans, échauffer nos oreilles", longtemps après que la personne à qui elle appartenait a cessé de vivre. V. R.

30.10 2015

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