6 mars > roman France

On ne se lasse pas des romans noirs et ourlés que signe avec constance Yves Ravey. Découvert en 1989 chez Gallimard avec La table des singes et suivi à la trace aux éditions de Minuit depuis Bureau des illettrés (1992), le natif de Besançon possède un art unique pour créer de la tension. Pour entraîner le lecteur dans des situations complexes et des lieux de la province française habituellement peu visités par la littérature contemporaine.

William Bonnet est un homme qui dit ne jamais rien regretter, peut commander un milk-shake à dix heures du matin et conduit une Nissan Sunny. Le héros de La fille de mon meilleur ami a été directeur financier des Cycles Vernerey à Montceau-les-Mines. Entreprise dont il a été renvoyé pour faute grave et escroquerie.

A l’hôpital militaire de Montauban, il s’est rendu au chevet de son meilleur ami, Louis Chafanjon, ancien de la Légion étrangère, qu’il a connu en Afrique, à Djibouti, et qu’il n’a jamais perdu de vue. Avant de s’éteindre, Louis lui a instamment demandé de retrouver sa fille Mathilde. Laquelle n’est pas du genre facile. La demoiselle a passé plusieurs années en asile psychiatrique, travaillé dans une boîte de nuit comme hôtesse d’accueil et a été privée de la garde de son jeune fils, Roméo. Mathilde change de couleur de cheveux, de lunettes de soleil. William ne peut lui refuser son aide et l’accompagne donc dans l’Essonne.

Où elle a la ferme intention de revoir Roméo qui habite avec son père, Anthony, et la nouvelle compagne de celui-ci, Sheila, beauté aux yeux verts, quelque part au sud de Savigny-sur-Orge. Il convient de préciser que l’ex-mari de Mathilde est trésorier de la section locale du syndicat, qu’il travaille à l’usine Rhône-Poulenc actuellement en grève depuis plusieurs semaines. Sur place, William et Mathilde partagent une chambre dans un motel du quartier nord. Avec ses sautes d’humeur, la jeune femme ne tarde pas à se faire remarquer par la gendarmerie. William, lui, commence son investigation, sa surveillance du périmètre et des résidents. Peu à peu, il fomente un plan et se lance même dans de risquées intrusions nocturnes au domicile d’Anthony, Sheila et Roméo…

Yves Ravey, dont Un notaire peu ordinaire (2013) ressort en même temps en poche dans la collection "Double" de Minuit, est ici à son affaire. Le romancier a soigné le décor, l’intrigue et le casting. Dont la tête d’affiche, ce William Bonnet qu’on imagine toujours borderline et prêt à de nouvelles bêtises. Professeur et également auteur de théâtre - notamment de Carré blanc (Les Solitaires intempestifs, 2003) - Ravey épate avec son sens de la scène et du retournement. On l’a compris, un détour par l’Essonne s’impose ! Al. F.

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